Publié le 04/04/2025
Depuis sa création en 2004, il a soutenu l’évolution des technologies numériques dans le Grand Ouest, en phase avec les grandes transformations du secteur. Le Pôle a su s’adapter aux révolutions technologiques majeures, telles que l’essor de la 5G, de l’intelligence artificielle (IA) et du Cloud, en favorisant l’innovation et en soutenant le développement de nouvelles solutions dans des domaines variés : santé, maritime, mobilités, industrie 4.0, et plus encore. À travers ses actions, il a toujours mis l’accent sur l’importance d’une approche collaborative et territoriale, en contribuant activement à la mise en place de filières d’excellence et de solutions technologiques adaptées aux enjeux locaux.
Aujourd’hui, dans un contexte marqué par les enjeux de souveraineté numérique et de transitions environnementales, le Pôle Images & Réseaux continue de jouer un rôle crucial. Face à des défis toujours plus complexes, il œuvre pour un numérique toujours plus souverain, sécurisé et soutenable. L’objectif est d’accompagner la construction d’un écosystème numérique capable de répondre aux besoins du présent tout en anticipant les enjeux futurs.
Au-delà de la simple innovation technologique, les pôles ont donc un rôle clé à jouer pour garantir que le numérique de demain soit inclusif, durable et au service de tous. Cette réflexion sur les défis à venir et sur le rôle central des pôles dans la construction du numérique de demain constitue un enjeu majeur pour l’avenir du secteur.
À travers cet article, nous vous proposons de découvrir la vision du Pôle pour les années à venir, les défis et les opportunités qu’il perçoit dans un secteur en perpétuelle évolution, à travers une interview croisée entre Gérard LE BIHAN, présent au lancement de l’aventure des Pôles, et ancien directeur du Pôle, et Hervé SALIOU, directeur actuel.
Le Pôle Images & Réseaux fête ses 20 ans cette année. Durant plusieurs phases depuis 2004, le Pôle a accompagné l’écosystème du numérique.
Gérard LE BIHAN : Bien évidemment depuis vingt ans, le numérique a transformé nos vies privées comme professionnelles et bien plus que les « pères fondateurs » du pôle l’imaginaient en 2005. Ces bouleversements des technologies et des usages nos acteurs du grand ouest les ont sans doute plus accompagnés qu’insufflés (à la différence des années 60 à 80 ou de nombreuses innovations mondiales ont été inventées sur nos territoires). C’est sans doute par ce que les acteurs européens ont été secoués par les concurrents asiatiques, sur les infrastructures notamment, mais aussi américains sur les usages et les « devices » associés.
Dans le même temps, les centres de décision, notamment des grands groupes installés dans nos régions se sont recentralisés avec des restructurations très importantes. Notre écosystème reste cependant un acteur clef européen sur de nombreuses briques essentielles et apporte sa touche spécifique autour des « 3S » portés par la stratégie d’I&R : la souveraineté, la soutenabilité et la sûreté. Les écosystèmes french tech de nos territoires sont directement issus des cantines numériques imaginées par le pôle en 2008. Dès 2005, nous avions défini un axe autour de la sécurité, dès 2009 nous nous étions préoccupés de développement durable et des impacts de nos projets sur la planète. Nous avons aidé à l’émergence de l’écosystème breton Cyber (notamment rennais) en accompagnant la création et la croissance du Pôle d’Excellence Cyber.
La plus belle réussite du pôle c’est sans doute le maintien d’une dynamique de projets aujourd’hui largement issus des PME innovantes. La connaissance des compétences des uns par les autres est aujourd’hui une réalité et nos projets vont des TRL les plus bas au TRL les plus élevés préparant ainsi l’avenir et accompagnant les déploiements.
Hervé SALIOU : En 20 ans, l’écosystème du numérique a connu une transformation majeure, et le Grand Ouest en est un exemple particulièrement dynamique. À la création du pôle Images & Réseaux en 2005, les technologies autour des images, des télécoms et des réseaux étaient encore en plein phase d’investissements et de structuration, avec un fort potentiel d’innovation. Aujourd’hui, elles sont devenues des briques fondamentales et omniprésentes dans nos usages quotidiens, nos entreprises, nos infrastructures. Le pôle a accompagné cette structuration et cette consolidation des filières, en aidant les acteurs à innover ensemble. Mais au-delà de ces socles technologiques, de nombreux autres domaines sont venus enrichir le paysage : la cybersécurité, la data et l’IA, la photonique – en lien étroit avec Photonics Bretagne – les systèmes embarqués, et plus largement l’intégration matérielle et logicielle. Cette diversité reflète la richesse de notre territoire, qui regroupe à la fois des compétences industrielles, académiques et entrepreneuriales. Aujourd’hui, Images & Réseaux est au cœur d’un écosystème numérique en constante évolution, plus transversal, plus interconnecté, et toujours plus tourné vers l’impact concret sur la société et l’économie.
Gérard LE BIHAN : Une des belles réussites de notre communauté est sa faculté à aider l’ensemble des acteurs du numérique dans leur réflexion sur l’avenir des technologies numériques et de leurs usages.
Dès notre création, avec la dynamique Imagin2015 puis en 2009 avec un livre blanc sur l’internet du futur, la mise en place en 2012 des technoférences (devenus techno conférences) et les nombreuse animations souvent avec nos partenaires (autres pôles « usages » ou technopôles), nous avons aidé à mieux définir les verrous à lever (au travers de nos feuilles de route technologiques) mais aussi à imaginer les interactions entre les compétences présentes sur notre territoire (et parfois à organiser des échanges entre régions voire européens) pour les lever. La démarche ImaginLab, née en 2006 et déployée en 2010, qui avait pour objectif d’aider les PME et projets à tester en vrai grandeur des briques et usages sur des réseaux expérimentaux (4G, FTTH, DVT2) n’a pas survécu mais elle a aidé à l’émergence des projets d’expérimentation de la 5G (I&R est partenaire de certains d’entre eux de ces projets) financés par la stratégie d’accélération France2030.
Notre pôle a toujours représenté notre écosystème numérique dans les réflexions stratégiques nationales (depuis les 34 plans de la Nouvelle France industrielle jusqu’aux stratégies d’accélération et les comités stratégiques de filières) mais aussi régionales (contribution aux S3, aux projets structurants régionaux tels que SMILE). Ces réflexions alimentent des réponses régionales aux AAP tels que celles relatives au compétences (Compétence Métier d’Avenir sur l’électronique, la cyber, la santé ou les réseaux) ou la création d’actions spécifiques sur l’IA (cluster SEQUOIA, PUI…). L’objectif est toujours le même, être un relais dans les deux sens entre ces initiatives et les acteurs de nos territoires.
Hervé SALIOU : Notre rôle est d’anticiper, de stimuler et d’accélérer ces transformations à travers les projets de recherche et de développement de notre écosystème. Pour la 5G, nous avons très tôt soutenu des projets expérimentaux, tant sur les technologies que sur les usages, pour favoriser son adoption dans les secteurs industriels. Sur l’IA, nous structurons une communauté d’acteurs autour de projets adressant des enjeux concrets, en collaboration avec les filières telles que le maritime, la santé, les mobilités ou l’industrie. Le Cloud — et désormais l’Edge Cloud — fait l’objet de projets portés par nos membres, avec une attention particulière à la souveraineté des données.
Le Numérique est présent dans de nombreux domaines d’activité. Dans la santé, le maritime, les mobilités, l’industrie 4.0 notamment.
Gérard LE BIHAN : Comme toujours, en suscitant des interactions entre les technologies et les usages, en faisant connaître aux acteurs de usages les compétences numériques présentes sur notre territoire. Nos animations souvent en collaboration avec nos partenaires territoriaux sont un outil efficace. En Bretagne, depuis plusieurs années, l’AAP croisement de filières est un outil privilégié pour faire émerger ces innovations.
Au cours du temps, nous sommes allés chercher des financements spécifiques pour aider à déployer des usages innovants des technologies maitrisées par nos acteurs. Métall’augmenté il y a quelques années avait permis d’aider à l’utilisation de la réalité augmentée dans les usines. Des projets spécifiques autour des usages de jumeaux numériques territoriaux avaient pu émerger grâce au pôle grâce aux « challenges du numérique ».
L’EDIH Bretagne, encore en cours, aide à déployer de la cyber sécurité dans les entreprises de nos régions (comme l’EDIH DIVA en Pays de la Loire sur l’IA). Pour toutes ces actions, l’expertise du pôle (nos experts du CSV et la labélisation du CA) rassure le financeur public sur la pertinence mais aussi sur la capacité à faire. Notre capacité à suivre les projets et à faire savoir le savoir-faire de nos adhérents est un outil essentiel à la connaissance fine des compétences disponibles sur nos territoires. En cela le pôle est l’unique outil, à l’échelle des deux régions, apte à aider les acteurs à se rencontrer et éviter ainsi le syndrome du « Not Invented Here ».
Hervé SALIOU : Nous favorisons l’innovation par la mise en relation ciblée, en particulier lors d’ateliers ou d’événements (techno-conférence, open innovation camp), l’accompagnement au montage de projets R&D collaboratifs et l’identification de financements adaptés. Nos expertises croisent les technologies numériques avec des domaines d’usages stratégiques comme la santé, le maritime, ou l’énergie, en lien avec les politiques régionales et nationales. C’est cette logique de co-innovation que nous amplifions aujourd’hui, notamment autour de l’innovation duale civil/défense.
Gérard LE BIHAN : Encore un fois, ces enjeux ont été au cœur de nos réflexions depuis plusieurs années voire depuis la création du pôle. Notre mission est de nous assurer que nos acteurs prennent conscience de leur importance en les aidant à les comprendre mais aussi à imaginer comment concrètement ils peuvent y contribuer du fait de leurs compétences.
C’est aussi, comme on l’a dit, en représentant notre écosystème dans les réflexions nationales et si possible européennes car, sans doute, ce sera demain le cœur des financements disponibles pour l’innovation. Notre mission doit être d’assurer la relation, dans les deux sens, entre les acteurs de nos territoires et les grandes initiatives européennes existante ou qui vont se créer autour des industries de défense où le numérique et l’innovation vont être clefs. Là encore faire, savoir notre savoir-faire (après évaluation) va être un apport essentiel du pôle.
Notre récente initiative autour du numérique responsable et l’adjonction de critères spécifiques lors de l’évaluation et de la labélisation des projets est un bel exemple d’accompagnement de la réflexion des projets de R&D&I sur la dimension de responsabilité de ce qu’ils veulent faire et de comment ils vont le faire. Il y a quelques années, à l’issue d’une réflexion présentée à un parlementaire de la région, nous avions lancé, à l’image du nutriscore, l’idée d’un label de la cyber sécurité d’un produit ou service contenant du numérique.
Hervé SALIOU : Nous sommes convaincus qu’il faut penser un numérique à la fois utile, maîtrisé et responsable. Sur la souveraineté, notre mission est de faire émerger des solutions françaises ou européennes, que ce soit en cybersécurité, en infrastructures numériques ou dans la maîtrise des chaînes de valeur stratégiques. Par ailleurs, nous soutenons activement les projets qui intègrent les enjeux de sobriété numérique et d’écoconception : notre grille d’évaluation a été modifiée en ce sens en 2023, et mise en œuvre dès 2024. Le numérique doit faire partie de la solution aux défis environnementaux, et cela passe par une innovation exigeante et lucide, que nous promouvons au quotidien.
Gérard LE BIHAN : Cinq ans, c’est court et en même temps long sur un domaine où l’innovation (notamment de rupture) est un levier de croissance essentiel. Sur certains domaines, à temps plus long, 2030 ce seront les débuts de la 6G qui devra bien sûr, être frugale, n’obligera pas à tout changer (même si une nouvelle forme d’onde pourrait voir le jour) et en même temps permettra plus de connectivité (notamment du côté satellitaire) mais aussi des technologies de ruptures (surfaces intelligentes, nouvelle connectivité optiques).
Il serait sans doute essentiel que l’Europe, et donc nos territoires, maitrisent mieux les technologies clefs logicielles (open source) (mais peut être aussi si l’on rêve matérielles-processeurs ?), permettant de construire et d’exploiter des clouds plus distribués (edge), plus économes (notamment sur l’IA). Les nouvelles technologies de codage d’images, elles aussi utilisatrices d’IA et qui devront fournir des efforts de soutenabilité, seront sans doute en cours de large déploiement. L’écosystème « images » du pôle, notamment rennais, devra s’y investir.
Une opportunité, qui pourrait s’avérer importante, sera de travailler sur la dimension duale de toutes ces technologies maitrisées par nos acteurs en lien avec les financements européens des industries de défense et notre partenariat avec le MINARM.
Sur les usages, il est essentiel de faire reconnaître l’expertise irremplaçable du pôle pour évaluer la pertinence et la faisabilité de l’utilisation du numérique envisagée par des projets issus de nos partenaires pôles applicatifs. C’est une belle opportunité d’interaction que nos collègues de TES avaient mis au cœur de leur stratégie. Je pense enfin que le pôle devrait aussi investir le domaine de l’acceptabilité des usages (en lien avec la soutenabilité) en s’appuyant sur des acteurs académiques moins présents aujourd’hui comme le GIS MARSOUIN ou le laboratoire LOUSTIC.
Enfin, à l’image de ce qui a été fait autour des CMA et CMQ, le pôle a un rôle essentiel pour assurer que nos acteurs trouveront sur le territoire les ressources humaines correctement formées à toutes ces évolutions.
Hervé SALIOU : Les défis sont nombreux : l’IA générative, l’hybridation des technologies (capteurs, cybersécurité, edge computing), la montée en puissance des exigences en matière de souveraineté, de durabilité, ou encore l’adaptation aux nouveaux usages. Mais chaque défi est aussi une opportunité. Nous voyons émerger une demande forte pour des innovations responsables, robustes et souveraines. Notre ambition est d’y répondre en renforçant notre rôle de connecteur entre recherche, industrie et territoires, et en soutenant les filières stratégiques.
Le Pôle sera au rendez-vous, pour continuer à faire du numérique un levier de transformation et de résilience : un numérique utile au service de l’intérêt commun.