Publié le 16/05/2017
Prélever un échantillon, l’envoyer en laboratoire, attendre les résultats… Bientôt un parcours du passé ? Place à l’analyse instantanée par spectroscopie Raman. Une méthode d’analyse optique à laquelle les partenaires du projet DEEPBLUE apportent une avancée. Ils mettent au point une source laser à longueur d’onde très courte. Ouvrant ainsi le champ des possibles par une précision et une sensibilité inégalées. Pour le démontrer, le dispositif traquera les nanoparticules de plastique en temps réel dans l’eau de mer.
Déterminer la composition chimique… Détecter la présence de cellules, bactéries, virus, nanoparticules… Les quantifier… Le monde de l’analyse chimique et biologique vit une révolution des usages avec l’arrivée de la spectroscopie Raman. Cette technique n’est pourtant pas nouvelle. Mais elle était jusqu’alors réservée à l’analyse en laboratoire car basée sur des dispositifs encombrants et coûteux comme les lasers à gaz. La généralisation des diodes laser a changé la donne : “Nous sommes aujourd’hui capables de développer des sources laser très compactes, fiables et stables qui s’intègrent facilement dans des instruments d’analyse et de mesure.”
Ce constat est de Thierry Georges, dirigeant d’Oxxius. La société lannionaise conçoit et fabrique une gamme de modules lasers destinés aux chercheurs et aux industriels construisant des instruments d’analyse et de mesure. En particulier pour la spectroscopie Raman qui “sort de plus en plus des laboratoires pour aller coloniser l’applicatif”. Car cette technique rend possible l’analyse “sans contact, in situ et en temps réel”. Des exemples ? On utilise la spectroscopie Raman dans l’industrie pétrolière pour évaluer la teneur en hydrocarbures d’un sous-sol. Dans l’industrie pharmaceutique pour vérifier la composition de médicaments. Pour authentifier une œuvre d’art, lutter contre les contrefaçons. Et bientôt dans l’industrie agroalimentaire pour effectuer des contrôles sanitaires. Demain dans le domaine de la santé pour détecter des cellules cancéreuses.
Le principe de l’effet Raman : on envoie une lumière monochromatique sur le milieu à analyser et on observe la lumière diffusée en retour. Les très légères différences constatées sont autant de “signatures” des différents constituants. “Ça peut se faire à toutes les longueurs d’onde. Mais plus la longueur d’onde est courte plus elle est efficace. Plus on est capable d’observer de petits éléments.” C’est ce qui a motivé le projet collaboratif DEEPBLUE. Son objectif : développer des sources laser de longueurs d’onde inférieures à 450 nanomètres, dans le bleu profond, afin d’augmenter significativement la sensibilité des mesures. Avec aussi pour exigences que le coût, la taille, la stabilité et la consommation électrique de cette source laser soient compatibles avec un déploiement à grande échelle de la technologie.
Outre Oxxius, les autres partenaires du projet sont le laboratoire Foton spécialisé en photonique et l’institut Ifremer pour l’expérimentation en grandeur réelle. Le cas d’usage est l’étude des polluants marins issus de la dégradation des plastiques. Réduits à l’état de nanoparticules, ces plastiques sont très difficiles à observer alors qu’ils présentent un réel danger lorsqu’ils s’introduisent dans la chaîne alimentaire. L’outil de mesure développé permettra à Ifremer de parcourir les océans afin de détecter et quantifier au fil de l’eau les nanoplastiques qui dérivent en mer. Un quatrième partenaire, Horiba Scientific, agit en qualité de sous-traitant pour développer l’instrument de mesure qui servira aux expérimentations.
Pour créer le dispositif à un coût acceptable, le projet DEEPBLUE s’appuie sur une diode laser largement diffusée sur le marché : “Nous utilisons une diode Blu-ray pas du tout adaptée à l’usage que nous voulons en faire. Mais dont nous allons affiner le spectre par des méthodes optiques. Une fois ce laser testé et industrialisé, nous le transmettrons à Horiba pour intégration dans un spectromètre Raman.” Par ailleurs, et de façon exploratoire, le projet s’intéressera à des sources de longueurs d’ondes encore plus courtes, dans l’ultraviolet. Ceci “pour être encore plus précis et voir des objets encore plus petits”.
Pour Oxxius, il s’agit de préparer l’avenir en confortant ses positions de fournisseur de modules laser pour le marché en fort développement de la spectroscopie Raman. “Le projet DEEPBLUE entre dans notre stratégie. Parce qu’il permet de compléter notre palette de sources laser par un élément dont personne ne dispose aujourd’hui. Et l’on a vu dans le passé récent que cette différence est une façon extrêmement efficace de pénétrer le marché.”
Créée en 2002, Oxxius a mis près de 10 ans pour développer sa gamme de modules lasers. Depuis 2011, véritable départ de la commercialisation, elle engrange les bénéfices : “Nous commençons à avoir une réputation solide à l’échelle mondiale. Entre 2015 et 2016, nous sommes passés de 1,5 million d’euros à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et nous allons continuer à croître à un bon rythme avec un objectif fixé entre 20 et 50 pourcents de croissance chaque année.” L’entreprise vise, outre la spectroscopie Raman, les domaines également en fort développement de la microscopie et de la cytométrie en flux liées aux biotechnologies.
Le projet DEEP BLUE est labellisé par les pôles de compétitivité Images & Réseaux et Mer Bretagne Atlantique. D’une durée de 24 mois, il bénéficie de financements issus de fonds européens (FEDER) et de collectivités bretonnes.