Publié le 25/11/2016
C’était l’un des moments attendus de l’AG Images & Réseaux. La conférence “Meet the digital officer” réunissait cette année trois des plus grands donneurs d’ordres français : SNCF, EDF et DCNS. Trois approches de la transformation digitale et un message récurrent : les grands groupes comptent sur l’inventivité et la réactivité des startups pour avancer.
Les assemblées Images & Réseaux ont pour habitude d’être détendues. Celle du 22 novembre, à Nantes, était de surcroît interactive et ludique. Grâce à Klaxoon, la solution développée par une startup rennaise pour échanger avec les participants au travers de leurs mobiles. Messages instantanés, quizz, sondages et pouet-pouet lancés par les gagnants des différents challenges ont apporté un supplément d’animation et de bonne humeur à une réunion au contenu par ailleurs très dense.
La conférence de clôture “Meet the digital officer”, elle-aussi en mode interactif et klaxoonnant, réunissait les CDO ou leurs représentants de trois poids lourds parmi les grands donneurs d’ordres en France. Tour à tour, la SNCF, EDF et DCNS ont dévoilé quelques axes de leurs stratégies digitales, les besoins à couvrir et leur positionnement quant à l’open innovation.
Première sur la scène, Emmanuelle Saudeau, CDO de la SNCF, se considère comme “une animatrice, un catalyseur de la transformation”. Le premier chantier engagé, celui de la relation aux voyageurs, est bien avancé : “le digital est devenu une évidence”. On compte aujourd’hui 10 millions d’applications voyages-sncf téléchargées ; un billet sur deux est vendu en ligne.
Mais la relation aux voyageurs n’est que la partie visible, le digital doit s’étendre “à tous les secteurs d’activité de la SNCF, à tous les métiers et à l’infrastructure”. Pour cela, le transporteur s’appuie une approche terrain pour “développer la valeur d’usage”. Les utilisateurs sont le personnel du groupe, “les cheminots”, dont une large part est équipée de terminaux mobiles. Ils sont encouragés à travailler en mode collaboratif et à remonter de l’information “parce qu’au final c’est de la qualité restituée au client”, par exemple en signalant un défaut par une photo.
La SNCF base sa transformation digitale sur trois convictions. La première est qu’il existe “un foisonnement des idées sur le terrain”. Ce qui se traduit par l’animation d’une “communauté digitale” permettant à 30 000 collaborateurs de coopérer sur “des problèmes communs à résoudre”. À côté, plus spécifiquement adressé aux développeurs maison, un store permet de diffuser des outils créés localement qui peuvent être utiles ailleurs. Une application d’organisation des roulements du personnel sur les plannings a été développée ainsi, “en mode bottom-up”.
La deuxième conviction relève de la “scalabilité” : il faut mettre en place des plateformes digitales en support “à l’empowerment” et aux différents métiers. La troisième est l’open innovation : “L’ouverture est un élément clé” face au “renouvellement rapide des usages et des technologies”. La première action a été l’open data au travers d’une API de publication de données, ce qui a permis à des entreprises tierces de “générer de nouveaux services”. Un outil qui crée le lien entre transport ferroviaire et disponibilité des taxis est né de cette façon.
De plus en plus convaincue qu’il n’est “pas possible de tout faire tout seuls”, la SNCF stimule l’ouverture en exposant ses besoins au travers d’événements qu’elle organise ou auxquels elle participe. Parmi les besoins actuels, deux exemples : des outils de maintenance et de supervision en environnement industriel hétérogène ; des services du type e-tourisme, par exemple de préparation du voyage. La CDO évoque aussi d’autres sujets d’intérêt : le traitement de données, les objets connectés en environnement contraint, les réseaux, la gare du futur…
Électricité de France faisait suite, représenté par Xavier Braud, conseiller auprès du délégué régional Bretagne. Le producteur et fournisseur d’électricité a été de tous temps orienté recherche : sa R&D réunit “2000 chercheurs en France”. Mais il constate aujourd’hui “une accélération de l’innovation par le numérique” qui le conduit à mener, lui aussi, une politique d’open innovation tant “la réactivité et l’agilité sont dans les startups”. Une cellule de 20 personnes est dédiée à l’ouverture, qui a déjà rencontré “2000 startups”. Et de donner deux exemples pour illustrer l’étendue des possibilités : une application de surveillance d’éoliennes en mer repère automatiquement un début d’anomalie sur les pales par traitement de photographies ; un outil détecte la saturation d’un centre d’appels et propose en alternative à l’attente “donnez-nous votre numéro, on vous rappelle”.
Cette démarche d’ouverture vaut aussi pour notre territoire car “tout ne se passe pas à Paris”. Xavier Braud en est localement l’animateur. La première action consiste à sensibiliser en interne : “insuffler aux salariés d’EDF cette culture d’innovation”. Avec pour objectifs de remonter des idées d’outils numériques ou détecter des entreprises forces de propositions. Une autre action est prévue en mars 2017, en Bretagne et Pays-de-la Loire et avec le support d’Images & Réseaux. Elle prévoit l’organisation de “séances de réflexion métier par métier” suivies d’une sollicitation des entreprises “pour dire, voilà nos besoins”. EDF a rejoint Images & Réseaux en tant que membre associé pour profiter pleinement de “l’effet réseau” et développer “dans la durée” des “relations équilibrées” avec les talents numériques locaux.
Vincent Lagny, responsable du département Cyberdéfense chez DCNS Group, était le troisième et dernier intervenant. Le groupe industriel spécialisé dans l’industrie navale militaire est lui aussi secoué par le digital et la “révolution culturelle des usages”. Mais avec un niveau d’exigence particulier qui ne laisse pas place au défaut. Lorsqu’il s’agit par exemple de maintenance en mer, “il faut que ce soit parfait”. Le secteur est par nature profondément hiérarchisé, ce qui contraint à un équilibre entre “conserver les barrières et soutenir l’émergence d’idées”.
La volonté est d’inciter le personnel à passer “de collaborateur à contributeur” par la mise à disposition de données et boîtes à outils. Le métier de la cyberdéfense réclame plus spécifiquement souplesse et pragmatisme car exercé “par des gens qui viennent de la culture digitale”. En matière cyber, il faut évoluer en permanence, “on ne pas être statique, il n’y a pas de répit”. Question ouverture, Vincent Lagny est le point d’entrée pour les PME et startups. Les besoins sont plutôt côté maintenance : big data, réalité augmentée, travail collaboratif, avec des développements en open source… L’intérêt étant aussi de soutenir “l’innovation bleu-blanc-rouge”.