Publié le 12/01/2016
Souvenez-vous en novembre, Yohann Couvreur, de chez Orange Labs Rennes, nous proposait une analyse des publics cibles du marché de l’audiovisuel. Yohann poursuit son analyse de cette filière importante pour l’économie du grand ouest et notamment de Rennes, avec une analyse à partir du modèle PESTEL. Mais si, le PESTEL le modèle d’analyse qui permet de voir comment les facteur macro-économiques (Politique, Economique, Sociologique, Technologique, Ecologique, Légal) influent sur une entreprise, un secteur d’activité, … avec des hypothèses parfois tranchées qui n’appartiennent qu’à l’auteur. Vous êtes prêt ?
Le gouvernement français ne donne pas mandat à la commission européenne de négocier avec les Etats Unis d’Amérique dans le cadre du Traité de Partenariat de Commerce et Investissement (TTIP) un amendement à « l’exception culturelle française » (chronologie des médias, réglementation sur la production – participation des diffuseurs au capital des sociétés de production, obligation de diffusion de contenus francophone). Le gouvernement se réserve le droit d’adapter ou pas la réglementation.
Les gouvernements européens souhaitent favoriser l’émergence de champions européens(start-ups valorisées à plus d’un milliard d‘euros). Les financements de R&D et d’innovation suivent (financements européens, français et partenariats publics privés). Une société de production à bas coûts de contenus web TV/série fédérant des talents s’inscrivant dans un nouveau mode de travail (hors salariat – « ubérisation du travail ») peut-elle se développer jusqu’à atteindre une taille critique (audience et rayonnement européen voire mondiale) ?
Le gouvernement engage des réformes de fond en regard de la crise économique, des besoins de flexibilité des employeurs et du désir des individus de la génération Y de travailler pour des projets qui les intéressent et non pour une entreprise en tant que salariés. En particulier le code du travail est adapté. Le contrat de travail pour la durée d’un projet, à la « tâche » est courant.
Concernant la protection des données personnelles, la volonté politique européenne de grandement préserver la confidentialité des données personnelles n’a pas tenu face aux différents attentats « spontanés » réalisés régulièrement par des mini cellules voire des individus. Le droit à l’oubli est politiquement soutenu mais les politiques mettent en demeure les opérateurs de services de traquer et de conserver les usages et données de leurs clients en particulier sur les réseaux sociaux. Les données d’usages sont analysées et stockées et permette des recommandations et publicités ciblées.
La crise économique est systémique. Les investissements publicitaires sur les médias traditionnels (comme la TV) sont en faible croissance. Ils se reportent sur l’internet et en particulier le mobile qui portent la plus forte croissance du secteur publicitaire. Des acteurs mondiaux sont déjà en position de leader sur ce marché (Google et You Tube, Facebook) (Verizon, 2014), (pwc, 2013). La publicité ciblée individuellement se développe portent la croissance du secteur.
Le passage au numérique est destructeur de valeur pour l’industrie des biens culturels. Les majors voient fondre leurs revenus liés à la vente de supports physiques (rémunération des ayants droits sur support DVD et Blu Ray). Et la perception client de la valeur d’un film baisse. Les majors pour maintenir leur chiffre d’affaire doivent alors chercher à augmenter l’audience de leurs contenus (en multipliant les partenariats et/ou en les distribuant directement aux individus).
Des acteurs mondiaux dans l’agrégation et distribution de contenus premium et payants cherchent à affirmer une position dominante (Facebook, Apple, Netflix) que ce soit dans la valorisation de l’audience par la publicité (en particulier grâce à la programmatique (SRI, pwc, UDECAM, 2015) ) ou bien dans les services de distribution de contenus payants (Idate, 2014). Ils disposent de la surface financière nécessaire pour produire des contenus exclusifs (wev TV/ série, e-cinéma – film destiné à une distribution hors cinéma, ce qui permet d’ailleurs de contourner la législation sur la chronologie des media). Ils ont la surface financière pour négocier des contrats de distribution exclusive avec les majors. La majorité de majors ne le fait pas car le rapport de force serait alors inversé avec leur distributeur (qui dominerait la relation avec le producteur).
Le coût des contenus sportifs subit une forte inflation. Des acteurs régionaux (à l’échelle d’un continent) ou mondiaux sont en mesure d’acquérir les droits de distribution (et de les distribuer avec un coût optimal car leurs plates-formes de distribution sont identiques voire sont les mêmes quels que soient les pays et les terminaux adressés).
Les diffuseurs historiques et les acteurs non leaders régionaux ou mondiaux doivent sécuriser leur approvisionnement en contenus qui représentent leur principal poste de coûts et qui est à la source de leurs revenus. Les partenariats, fusions, acquisitions avec producteurs de contenus se développent. Certains acteurs choisissent de développer ces capacités de production en interne à l’entreprise.
Sur cette industrie, l’ensemble des points précédents conduit à la recherche du « coût marginal zéro » de production et d’exploitation. (Rifkin, 2014)
La valeur de l’accès à l’internet est questionnée par les clients. Pour eux, cela peut parfois relever du service public (le gouvernement français a décrété en 2015 obligatoire la déclaration d’impôt par internet – avec un échéancier d’application de la mesure selon les revenus). La plupart des services sont proposés en Over The Top (OTT – sans lien avec le réseau d’accès).
L’économie de l’internet des objets et du big data se développe. Dans le secteur du grand public, elle est centré sur l’individu (« le care », le « quantify myself », la personnalisation des services,…).
L’individu est au centre et on lui donne les moyens de se mettre en relation avec les vendeurs quand lui qui le décide, de manière anonyme ou non. Pour la filière audiovisuelle cela peut se traduite par le passage d’une « économie de l’attention » à une « économie de l’intention », le Vendor Relationship Management (VRM) se développe. D’autre part une transition débute : d’une « économe de la propriété » vers « une économie du partage » (ce dernier point sera développé dans le chapitre Evolutions Sociétales).
En 2020, la génération Y sera majoritaire dans la population active. Elle sera la cible principale des annonceurs et va conduire les changements d’usages.
Cette génération qui dit : « je » n’est pas qu’individualiste. Certes, une partie importante de celle-ci ne souhaite plus être liée à une entreprise. Mais c’est pour pouvoir entreprendre des projets avec sa communauté. Des communautés d’intérêts se forgeront selon les projets, idées à développer. Cette forme de liberté peut se traduire par une agilité dans la production des biens et services. Un challenge pour les dirigeants d’entreprise est certes de les attirer et aussi de tirer parti de cette force de créativité et productivité. En particulier lorsqu’il s’agira de produire des contenus de qualité à destination de chaines ou services non premium. Ainsi grâce à la souplesse de leurs organisations, les Multi Channel Networks (MCN)[1] drainent les talents et leurs productions rencontrent un franc succès d’audience sur internet (fixe, mobile) (Laugée, 2014). Les agrégateurs dans leur ensemble mettent d’ailleurs en place des partenariats avec ces sociétés voire investissent ou les achètent.
Des membres de cette génération qui crée des collectifs pour produire, apprendre, consommer,…ne comprennent plus l’économie de propriété, d’appropriation. Un produit, une connaissance se construit, se partage… La société se questionne sur le sujet de la propriété.
La position de la société vis-à-vis de la protection des données personnelles demeure ambivalente. Pour des raisons de sécurité les individus acceptent de voir leurs données collectées et analysées mais ils souhaitent dans les relations commerciales pouvoir les maîtriser (confidentialité, partage à leur initiative, droit à l’oubli). Nous sommes dans l’économie de l’intention.
2020 voit l’avènement de l’UHD. Alors qu’en 2015, le spectateur devait se placer à 90 centimètres de son écran UHD de 2 mètres de diagonale pour percevoir une amélioration de la qualité de l’image. En 2020, assis dans son canapé à 3,5 m de son écran, il ressentira objectivement une amélioration de qualité. Ceci a de gros impacts sur la filière et nécessitera des investissements importants et du savoir-faire technique tant au niveau de la production, que des régies des chaines, des opérateurs de plate-forme de services et des réseaux.
En 2020, nous vivons dans la société de l’Internet des Objets où la connectivité est ambiante. Ainsi, de très nombreuses données personnelles, d’usages sont collectées. Des technologies du Big Data nous sommes passés au Smart Data et au FOG computing (version décentralisée du cloud computing). L’analyse, le traitement des données personnelles en grande masse, peut être réalisé à un moindre coût énergétique, partagé par les acteurs (individus, collectivités locales, opérateurs FAI et Cablo, opérateurs de services,…). Cependant, tous Objets Connectés n’opèrent pas encore ensembles et avec toutes les plates-formes de services car aucun protocole normalisé ou standard de fait ne s’est dégagé. Des verticales subsistent encore : fournisseurs d’objets, opérateurs de réseaux, opérateurs de plates-formes. L’agilité s’impose car les transitions peuvent être fulgurantes. (Giorgini, 2014)
L’analyse des interactions clients (logs d’usages, commandes, échanges sur les réseaux sociaux,…) permet de lui adresser des publicités, contenus ciblés et de produire des programmes à son goût.
Les interactions avec les services sont multi modales, en particulier les interactions vocales se développent.
L’écologie, le réchauffement climatique est un sujet central. Les militants puis les politiques et un leader spirituel affirment « nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires » (de la Terre) (source Père François, Laudato Si’, 2015) et nous avions tort. La société revisite la notion de communs (biens communs). Ceci est un des déclencheurs de la transformation (d’intensité encore moyenne en 2020), qui conduit les individus à basculer sur une économie de l’usage, de partage des biens.
La consommation de vidéo représente la très large majorité du trafic sur internet. La pression de l’opinion est forte sur les acteurs de la filière pour qu’ils mettent en place des partenariats, solutions techniques qui visent à réduire l’empreinte énergétique de l’industrie.
La volonté des individus d’évoluer dans un cadre de travail plus souple, la réforme du code du travail (possibilité de contrat individuel « au projet » versus CDI, CDD), peut conduire à l’isolement des personnes, à les mettre dans une situation de stress peu gérable par elle voire à déclencher des pathologie et accidents. Les entreprises devront être vigilantes à mettre en œuvre des mesures de préventions et suivi de risque avec leurs partenaires et leurs contractants individuels. Dans le cas contraire, des drames individuels peuvent se produire et l’image de marque essentielle dans l’audiovisuel peut s’en trouver particulièrement détériorée.
Aucun changement n’est opéré quant à la net neutralité. Cependant bien que tout opérateur de services ait accès aux clients des FAI, la qualité de la distribution dépend des solutions que les FAI mettent en place dans leurs réseaux (solutions qui sont facturées).
Bien qu’un pan de la société souhaite remettre en cause le principe de la propriété intellectuelle au titre d’une économie de partage (biens communs), il n’y pas de changement dans la législation.
Le droit à l’oubli est confirmé, le droit à l’exploitation des données personnelles à des fins commerciales aussi.
Le code du travail a évolué afin de rendre possible le travail à la « tâche », en « mode projet ». Il est possible de travailler pour des durées courtes pour plusieurs sociétés en simultané (extension et assouplissement du cadre actuel).
La production des contenus dédiés à une distribution sur internet se développe, en effet la chronologie des media n’est pas ou peu modifiée (léger raccourcissement dans la chronologie). En contrepartie de ce statu quo ante, les distributeurs peuvent monter de manière plus importante au capital des producteurs. Cette mesure leur permet de dégager du chiffre d’affaire sur une opération qui visait à sécuriser leur approvisionnement en contenus.
[1] MCN : Multi Channel Network organisation qui travaille avec des agrégateurs de contenus afin de produire des contenus, de les programmer, de trouver les fonds, de promouvoir, de gérer les droits de monétiser et développer l’audience des contenus en échange de revenus (définition, source Wikipedia).