Publié le 13/12/2016
Capteurs, GPS, robots connectés, les technologies du numérique ont débarqué dans les fermes. Entre les besoins hétérogènes des agriculteurs et les enjeux agronomiques, les technologies des champs ont un large sillon devant elle.
Dans son poulailler de Mayenne, Benoît Savary a trouvé le moyen de gagner en productivité et d’améliorer ses conditions de travail. Et sa trouvaille est un robot : TiOne. Quand ils ne sont pas en vide sanitaire, ses locaux accueillent des milliers de poules et coqs qui pondent des œufs pour la sélection des futurs poulets qui garniront les étales des commerces. « Pendant le pic de ponte, près de 20% des œufs peuvent être pondus à terre. Or seuls les œufs propres peuvent être mis en incubation », explique-t-il. Après avoir tenté de « bricoler » des solutions pour amener ses volailles à pondre dans les nids prévus à cet effet, il s’attarde sur le cas de Philae, le fameux robot largué sur la comète Tchouri en 2014. « Je me suis dit, si on peut le faire dans l’espace, pourquoi pas sur ma ferme », se souvient l’aviculteur. Après des mois de recherche, il entre en contact avec un bureau mécatronique de Bourgbarré en Ille-et-Vilaine. L’idée intéresse, le co-développement d’un prototype démarre et la société Tibot voit le jour. Leur objectif avec TiOne ? Réduire à 5% le pourcentage d’oeufs pondus à terre. Encore à l’essai, le robot pourrait être commercialisé dès 2017.
Le cas de Benoît Savary n’est pas isolé. Entre 2011 et 2015, 40 projets d’expérimentation de 6 à 18 mois ont été accompagnés dans le cadre du projet Agretic qui réunit Bretagne Développement innovation (BDI), les chambres d’agriculture de Bretagne et la Meito, l’association des acteurs de l’électronique et du numérique en Bretagne. Au programme : l’irrigation en temps réel, la collecte, l’analyse et la valorisation des données, l’optimisation des récoltes, les interfaces machine to machine mais aussi la pénibilité au travail. « 70 % des projets concernaient des agriculteurs. Ils sont ouverts à tester des solutions s’il y a un gain de temps et d’argent », insistait d’ailleurs Guillaume Briend, ingénieur projet Agretic à BDI, le 10 novembre dernier lors d’une conférence organisée à Saint-Malo sur les opportunités de développement numérique pour les cultures agricoles.
Côté équipementiers, firmes industrielles et organismes de recherche, les pistes de développement s’accélèrent, notamment dans le domaine du végétal. Système de semis géolocalisé par GPS, logiciel de prédiction des maladies, désherbage mécanique, suivi de la fertilisation et techniques de phénotypage des plantes en tête. « Comme dans l’ensemble de la population, le recours au numérique et aux technologies est en train de décoller. Mais nous sommes loin d’une couverture totale », nuance pour autant Pierre Havard, responsable de la station expérimentale des Cormiers à Saint-Aubin-du-Cormier, en Ille-et-Vilaine. Pour lui, deux pistes méritent d’être creusées : la compatibilité des systèmes d’information pour aller plus loin dans le croisement et la synthèse des données économiques, techniques et agronomiques à l’échelle d’une ferme, mais aussi l’amélioration et le croisement des mesures sur les plantes et dans la terre pour continuer à limiter les interventions culturales nocives telles que le recours aux fongicides et à des machines lourdes qui tassent les sols. « L’enjeu est déterminant, conclut Pierre Havard, car c’est bien le sol qui détermine en premier lieu le potentiel de rendements. » L’appel est lancé.
Témoignage : Benoît Savary, agriculteur en Mayenne, inventeur du robot TiOne
- Quel est le rôle de Tibot ? Il créé une animation au sol. En passant sous les assiettes ou contre les murs, il amène les poules à se déplacer. Cela évite qu’elles pondent au sol car nous ne pouvons pas valoriser ces œufs.
- Quel est son intérêt sur votre exploitation ? Auparavant, nous devions parcourir près de 8 kilomètres par jour dans le poulailler pour créer nous-même cette animation au sol. Il fallait aussi assurer le ramassage des œufs au sol si nous n’étions pas passés assez souvent. Cela peut entraîner un cercle vicieux de fatigue. Tibot peut donc nous aider à améliorer notre productivité mais ausi nos conditions de travail, donc notre santé.
- La présence d’un robot peut-elle être un facteur de stress pour les poules ? Nous sommes en relation avec l’université de Rennes 1. Des chercheurs étudient le stress provoqué par les robots auprès des poules. Chez nous, les essais ont été rassurants. Les poules ne s’envolent pas ni ne courent quand le robot passe près d’elle. Elle garde un rythme normal.
- Comment est reçue cette idée de robot chez vos collègues ? L’idée a super bien été accueillie car la question de la ponte au sol touche 80 à 90 % des fermes avicoles de poules pondeuses. L’idée du robot d’aide a déjà fait son chemin dans l’agriculture. Le robot de traite, par exemple, chez les éleveurs laitiers est aussi bien accueilli.
http://www.lemag-numerique.com/2016/09/copeeks-connecte-etables-champs-9216