Publié le 01/09/2017
Quand pourra-t-on toucher les objets virtuels ? Ressentir leur volume, la texture de leur surface, leur poids ? Le projet MANDARIN a développé un gant à retour d’effort d’un nouveau genre, capable de donner des sensations réalistes au bout des doigts. Une avancée vers la manipulation fine en environnement virtuel, qui ouvre de nouvelles perspectives notamment industrielles.
Des gants pour la réalité virtuelle, il en existe de multiples sortes. Mais rien de satisfaisant qui intègre le retour d’effort. Car le sujet est complexe. Trop simple, le dispositif ne restituerait pas toutes les sensations liées à la manipulation d’un objet. Trop complexe ou trop lourd, il nuirait au réalisme et à la liberté de mouvement. En créant le gant MANDARIN, les partenaires du projet ont misé sur un compromis. C’est ce qu’explique Florian Gosselin, coordinateur du projet et ingénieur de recherche au CEA LIST : “De notre analyse initiale, il ressort que la manipulation fine utilise d’abord et avant tout le bout des doigts. Ce qui nous a amené à faire le choix d’un système où le tracking et le retour d’effort s’exercent uniquement sur les dernières phalanges. Avec deux avantages : le système est moins encombrant et moins lourd ; et il s’adapte à toutes les mains.”
Le contexte d’utilisation est celui de la conception de produits ou systèmes industriels. Pour laquelle la validation de la maquette numérique en environnement virtuel est devenu une étape incontournable. Le gant MANDARIN permettra d’aller plus loin dans l’anticipation des opérations de montage et démontage : “L’objectif est de vérifier que les différentes pièces numériques d’un système complexe peuvent s’assembler. On peut déjà le faire à partir de trajectoires calculées. Mais là, il s’agit de valider la faisabilité à partir des vrais gestes d’un opérateur, qui n’utilisent pas forcément des trajectoires optimales. Est-ce qu’il peut passer un outil, clipper des câbles ou visser un écrou dans un endroit encombré ? Au-delà, on peut aussi étudier l’environnement de travail ou l’usine numérique : voir si l’atelier est bien conçu, si les outils sont accessibles, si les pièces peuvent être posées de façon efficace et ergonomique…”
Le cas d’usage a été fourni par Renault. La maintenance des batteries est un point clé pour le constructeur dans la perspective du développement des véhicules électriques. D’autant que les opérations comportent des procédures de sécurité à respecter. Au-delà de la conception, le dispositif de simulation pourra aussi servir dans le cadre de formations : “On pourra découvrir et se former en toute sécurité, y compris à distance… Le monde numérique a beaucoup d’avantages : on peut recommencer autant de fois que nécessaire, analyser les performances, proposer une progression, enregistrer la session dans un fichier.”
À terme, on peut envisager d’autres usages de la manipulation fine à deux mains. Par exemple, toujours dans le domaine automobile, découvrir un nouveau modèle de véhicule en se plongeant dans un habitacle virtuel. “L’arrivée des casques de réalité virtuelle en cours de projet a donné un coup de boost et ouvert de nouvelles possibilités d’applications grand public.” La rééducation psychomotrice est une autre piste avec toutefois la contrainte que “chaque handicap est un cas différent”.
Soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), MANDARIN a abouti à des démonstrateurs qui ont permis de valider les concepts. L’un des partenaires, Haption, spécialiste des interfaces à retour d’effort, prolonge le projet par un produit industriel reprenant une partie des résultats.
Selon François Louveau qui préside la société lavalloise, HGlove – c’est le nom de ce gant à retour d’effort – suscite beaucoup d’intérêt : “Nous avons fait le choix d’industrialiser rapidement une première version pour recueillir au plus vite des retours des clients. Ce qui nous a permis d’avoir plusieurs demandes. Notamment dans le domaine de la téléopération où un robot agit à distance par exemple dans un milieu hostile. Les robots sont équipés de préhenseurs de plus en plus sophistiqués, que notre dispositif permettra de piloter avec plus de précision. Il reste du travail, notamment sur le logiciel de simulation. Mais les premiers retours et l’intérêt du public sur les salons sont encourageants.”
MANDARIN en bref
Le projet réunissait cinq partenaires : Institut CEA LIST (pilote), Haption, Inria Rennes Bretagne Atlantique, Université de technologie de Compiègne et Renault.
Soutenu par l’Agence nationale de la recherche, il est labellisé Cap Digital et Images & Réseaux.
Site du projet : www.anr-mandarin.fr
HGlove en vidéo : www.youtube.com/watch?v=rhg1VwScQ3Q