Publié le 21/06/2019
De la journée Numérique et Biotech, deux principaux enseignements : les données sont devenues le carburant qui propulse de l’avant les biotechs et l’industrie pharmaceutique, tandis que les technologies big data sont parmi les principaux outils d’une approche personnalisée de la santé. Retour sur l’événement qui se tenait le 18 juin à Rennes, autour de cette question : Quelles solutions numériques pour les biotechs de demain ?
En introduction à la journée, Franck Le Meur dépeint deux mondes très différents. D’un côté celui de la santé plutôt conservateur et très réglementé. De l’autre le numérique sans cesse agité de nouveautés technologiques. Deux univers aux caractères opposés “qui ont besoin de se parler et de se comprendre” analyse le dirigeant de Techtomed. Ceci avant d’avertir qu’il faut aller très vite. Pourquoi ? “Parce que les GAFA investissent massivement en santé, et qu’ils emploient des moyens considérables.”
Accélérer le dialogue entre Numérique & Biotech était précisément l’objectif de cette journée. Elle était organisée dans les locaux de b<>com par les pôles Images & Réseaux et TES en collaboration avec ID2Santé et Atlanpole Biothérapies. L’événement se déroulait en trois parties : des conférences, pitchs de startup et une table ronde en matinée, un temps de networking avec show-room et démos au moment du déjeuner, et deux ateliers en parallèle l’après-midi.
Le premier keynote s’intéresse aux impacts du big data et de l’intelligence artificielle sur l’industrie pharmaceutique, avec Ramon Hernandez Vecino de Sanofi. D’abord une série de constats. Hier, il existait une asymétrie d’information entre corps médical et malades alors qu’aujourd’hui le patient capte une part de la capacité de décision : c’est “l’empowerment du patient”. Ensuite, les outils comme l’IA le big data changent la façon de gérer la maladie. Il s’agit désormais de donner le médicament le mieux adapté au patient et au bon moment : ce sont les premiers pas vers la personnalisation du traitement.
Ces mêmes outils permettent aussi d’optimiser le recrutement des cohortes et d’accélérer les essais cliniques, ce qui est fondamental pour le “pharma business” mais aussi pour les “outcomes”, les bénéfices pour la santé du patient. Ces différents mouvements s’observent d’abord aux États-Unis, mais l’intervenant remarque qu’il existe en France “une volonté politique” créatrice d’opportunités. Notamment autour des la collecte et de l’organisation des données de vie réelle, ces informations de diverses natures qui, combinées, racontent le comportement réel des gens.
À ce propos, Sanofi a créé DARWIN, une plateforme de collecte et d’analyse des données de vie réelle qui permet d’aller “au-delà des essais cliniques” dans l’étude de l’efficience, de la tolérance et de l’observance des traitements. Le réservoir d’informations anonymisées ou “data lake” ainsi constitué porte sur plusieurs millions de patients à travers le monde. Un exemple concret des bénéfices attendus de la plateforme : prédire par des algorithmes de Machine Learning la probabilité de survenue d’incidents hypoglycémiques graves grâce aux données de vie réelle de patients souffrant du diabète.
C’est ensuite au tour du cabinet de conseil Opusline de rendre compte des conclusions d’un rapport visant expliquent Joëlle Bouet et Youssef Mallat “à évaluer l’impact du numérique sur l’ensemble de la chaîne de la santé”. Il s’agissait d’abord de dresser un état des lieux de l’industrie française du médicament des dispositifs médicaux et des diagnostics in vitro. Avec par exemple ce constat : “On parle de numérique, on nous fait rêver, mais quand on visite certaines usines le numérique n’est pas encore là.” C’est notamment le cas des dispositifs médicaux souvent produits dans “des conditions très artisanales”.
Puis les intervenants mettent en évidence trois grandes tendances qui guident la transformation en cours de l’industrie de santé. D’abord l’optimisation par le numérique de l’ensemble de la chaîne de valeur : recherche, développement, pré-industrialisation, passage à l’échelle, production, accès au marché et distribution. Ensuite, une modification en profondeur de l’offre de santé qui passe d’une logique de produit de santé à une offre combinée produit et service. La pilule connectée qui permet de suivre l’observance de la prescription est exemplaire de ce nouveau modèle : “Une fois ingérée, la molécule envoie un signal qui permet de vérifier que le patient a bien pris son médicament.” Enfin, “point essentiel”, le rôle central des données de santé : “la grande transformation consiste à articuler l’ensemble des composantes dans un système qui partage l’intelligence de la donnée.”
C’est le charme des pitchs : six présentations éclair, six offres totalement différentes. À commencer par l’Institut de recherche technologique b<>com qui propose d’aider les entreprises à développer de nouveaux projets ou services utilisant des techniques d’intelligence artificielle. Ceci en partant de l’analyse du besoin et jusqu’à la preuve de concept. À suivre ByStamp explique son dispositif de signature électronique, principe qui pourrait aussi s’appliquer aux procédures hospitalières. ByStamp est désormais appuyée par plusieurs personnalités de l’industrie et se rendra au prochain CES Las Vegas pour se positionner à l’international. À son tour, WaToo présente sa solution de tatouage des données et documents sensibles. Ce marquage a pour effet de dissuader un utilisateur potentiellement indélicat alors que “55% des fuites viennent de l’intérieur”.
Quatrième à intervenir, HCS Pharma développe des modèles cellulaires 3D grâce sa technologie d’imagerie cellulaire à haut débit. En particulier sa technologie BIOMIMESYS, qui reproduit des conditions physiologiques, facilite le déroulement des tests in vitro. Puis c’est WeData qui explique les principes de son étonnante solution d’anonymisation des données. Celle-ci traite les données personnelles pour en faire un avatar, donc un double virtuel à la fois anonyme et statistiquement pertinent. Enfin la startup belge DNAlytics propose différents services de data science dédiés au domaine de la santé.
Pour conclure la matinée, une table ronde pilotée par Franck Le Meur s’interrogeait sur l’accompagnement de la transition des entreprises de santé. Carole Le Goff, qui intervenait une seconde fois pour b<>com, explique que l’IRT bénéficie pour ses applications à la santé d’une “double compétence technologie et métier”. Ce qui permet d’être dans le concret, jusqu’aux tests d’usage. “Nous ne sommes pas dans le théorique, même si nous produisons aussi des publications.” Alban van Landeghem parle pour Dassault Systèmes de données et de modélisation jusqu’à envisager de développer “un patient virtuel” qui permettra à terme d’accélérer les mises sur le marché. Il résume ainsi sa vision : “In silico et in vivo sont un couple qui va accélérer les tests cliniques.”
La société nantaise Valneva est focalisée sur le développement de vaccins contre les maladies infectieuses. Son CEO, Franck Grimaud prend pour exemple la sclérose en plaques où grâce à un simple smartphone il devient possible de suivre en continu l’évolution de la maladie “au lieu d’un examen de suivi tous les 1, 2 ou 3 ans”. Dans un tout autre registre, Xavier Aimé, du CNAM de Nantes, explique comment le numérique permet de “construire une base de connaissances” car sinon lorsqu’un médecin part en retraite “c’est 25 années d’expérience qui disparait”.
Biopredic International est une biotech de la banlieue rennaise spécialiste des réactifs pour la recherche, développés à partir de résidus médicaux. Christophe Chesné, raconte comment la société qu’il dirige évolue grâce au numérique d’une logique industrielle vers une approche de service “qui délivre des produits sur mesure”. L’accompagnement des transitions des biotechs par le digital est justement le métier de L-DSI. Son CEO, Goulven Le Jeune, attire l’attention sur la nécessaire prise en compte de la dimension cyber. L’objectif premier de la société de conseil : “sécuriser les données”.
Une problématique est revenue de façon récurrente dans les échanges qui ont suivi la table ronde et à plusieurs reprises au cours de la matinée : la difficulté pour les startups de la santé de passer à l’échelle. Ainsi le rapport présenté par Opusline fait état d’un écosystème de recherche et d’innovation riche et performant mais également “d’une faiblesse des investissements dans les entreprises”. Même constat exprimé autrement par Franck Le Meur en fin de matinée : “Nous sommes le pays de l’amorçage mais nous n’arrivons pas à produire de scale-ups.”
L’atelier Recherche Clinique de l’après-midi a permis d’échanger sur les besoins restant à combler dans le secteur, notamment aux niveaux du contrôle qualité, de l’accélération des process d’essais biologiques et du développement de biomarqueurs prédictifs. La quarantaine de participants étaient particulièrement acteurs parmi lesquels l’institut de Cancérologie de l’Ouest, CleanCells, OpusLIne, VitadX, WeData, le laboratoire LACODAM de l’IRISA (Analyse de réseaux de gènes), le Labcom RISCA – IDBC du groupe A2COM spécialiste en recherche clinique observationnelle grâce à son logiciel Plug-Stat, HCS Pharma, 3DS Dassault Système Life Sciences et la toute jeune startup rennaise SCI[LI]CIUM en cours de création pour l’analyse et traitement du génome. La création d’un avatar de données synthétiques pourrait bien faire l’objet d’un prochain projet collaboratif. A suivre…
A lire sur le site de la Direction Générale des Entreprises : l’étude Pipame « Industrie du Futur : enjeux et perspectives pour la filière industries et technologies de santé ».