Publié le 30/09/2016
Confirmation, la question numérique mobilise les professionnels de santé. Médecins, spécialistes, chercheurs, cadres hospitaliers, ils sont venus en nombre aux côtés de startups à la journée Hôpital Numérique du 27 septembre. Avec aussi la présence d’associations de patients qui entendent bien participer en co-constructeurs à la transformation numérique du système de santé.
Sixième édition du cycle Hôpital Numérique, la journée se donnait pour objectif d’éclairer “La place du numérique dans la relation Patients / Professionnels de santé”. Elle se tenait à Rennes dans les locaux de Technicolor. Organisée comme l’ensemble du cycle par Images & Réseaux, Atlanpole Biothérapies et ID2Santé, avec pour l’occasion le concours de Rennes Atalante. Au programme, une série de conférences et témoignages, des pitch d’entreprises, un espace démo et des rendez-vous BtoB.
Laurent Mignon, délégué général de l’association fédératrice des startups de la santé et du bien-être, France eHealthTech, dresse d’abord un portrait sans concession du marché de la e-Santé. Car si l’on observe de plus près les 2,7 milliards d’euros auxquels il est évalué, ils sont pour l’essentiel consommés par les systèmes informatiques et de façon marginale par la télémédecine. Le reste “n’existe pas encore vraiment”. Par contre, l’usage progresse : 65% des médecins utilisent un smartphone dans le cadre professionnel contre 35% en 2012. Mieux, 18% conseillent des applications à leurs patients contre 8% il y a 4 ans. Un mouvement d’autant plus remarquable qu’il est peu encouragé : “quelle part accorde-t-on aux nouvelles technologies dans la formation des médecins ?”. Pourtant, des initiatives émergent un peu partout en France, avec une densité plus forte dans la région de Montpellier.
Bretagne et Pays-de-la-Loire, elles, feraient bien de s’inspirer d’une région cousine : l’Écosse. Car celle-ci a décidé de se positionner comme “moteur de la santé connectée dans l’Union Européenne et au plan mondial”. C’est le point de vue développé par Marie-Anne Omnes, de Scottish Development International. Les points forts de l’Écosse : un bon réseau universitaire, un fort taux d’investissement, une population stable avec une base de données patients à disposition, un cadre juridique qui facilite les tests cliniques, des financements pour les projets… Bref, un cadre ouvert à toutes les initiatives, y compris celles venues de l’étranger.
L’exemple de l’Hôpital à domicile de Cornouaille permet de mesurer le chemin qu’il reste localement à parcourir. Christine Davy, médecin coordonnateur, commence par poser le cadre : un territoire majoritairement rural en Finistère Sud, l’objectif de raccourcir au maximum le séjour en hôpital en dispensant les soins à domicile, la même garantie qu’un hôpital classique de “continuité des soins”, des intervenants qui peuvent être personnel hospitalier ou professionnels libéraux.
Puis Florence Morvan, coordonnatrice du HAD, expose les nombreux besoins à couvrir, le service n’ayant que 6 mois d’existence. Exemple de besoin : “un outil de suivi et de partage de l’évolution des plaies, avec des photos”. Mais le principal problème pour les intervenants multiples reste “l’accès aux données du patient”. Il n’existe pas d’interopérabilité entre les différents systèmes : ni avec les outils des médecins, ni ceux des pharmaciens, ni entre hôpitaux locaux… Au point que pour certains échanges, “on en est encore au fax !” Le dossier médical partagé (DMP) serait le format fédérateur, si toutefois il était opérationnel : “On rêve d’un DMP qui fonctionne.”
De DMP il sera encore question lors de l’intervention d’Hubert Stéphan, président du CISS Bretagne, un collectif d’associations qui “porte la voix des patients et des usagers de la santé”. Pour celui-ci, “le DMP doit être la pierre angulaire du système”. “Nous voulons partager nos données avec les professionnels, avec d’autres malades, et développer l’auto-évaluation”. À condition toutefois d’en avoir la maîtrise : “Je dois savoir à quoi mes données sont utilisées.” L’autre exigence étant de conserver une relation humaine avec le médecin.
Jean-Jacques Grascoeur, présentait quant à lui le Diabète Lab. Une initiative de la Fédération Française des Diabétiques qui place le patient au cœur du processus d’innovation. Car le diabète est un champ d’expérimentation privilégié en matière de santé connectée, pour alléger les contraintes des malades et donner plus d’autonomie. Mais alors qu’on s’adresse aux associations de patients pour tester un produit, celles-ci préfèreraient “travailler en amont” dans une logique de co-conception. “Les startups peuvent très bien nous contacter, pour travailler avec nous sur leurs produits.”
Suivait un exemple réussi d’application sur smartphone conçue pour aider les patients à gérer au quotidien leur maladie. Diabeo permet aux diabétiques de type 1 de calculer les doses d’insuline qu’ils doivent s’injecter, et au médecin de suivre à distance l’évolution du taux de glycémie. Elle est commercialisée par Sanofi, le géant pharmaceutique, représenté pour l’occasion par Francine Pitois de la Gatinais et Véronique Huber.
Diabeo est un dispositif médical utilisable uniquement “sur prescription du diabétologue”. Le spécialiste configure le profil et les paramètres spécifiques tandis que le patient se contente de télécharger l’application. Celle-ci ne sera utilisable qu’après une formation du patient par l’infirmière chargée du suivi. L’application ne remplace pas le médecin, “elle ajoute du lien entre patients et professionnels et entre professionnels eux-mêmes.” Après une étude clinique, Diabeo a reçu un avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS), ce qui “ouvre la voie au remboursement” même si pour y parvenir “nous ne sommes pas encore au bout du chemin”.
Preuve du foisonnement d’initiatives en Bretagne et Pays-de-la-Loire, la journée donnait une large place aux projets et startups. Au plan recherche, c’était notamment le projet européen DIGI-NEW-B de développement d’un outil d’aide à la décision pour améliorer le pronostic des nouveaux nés prématurés. Également un focus sur la e-santé et le bigdata par le professeur Marc Cuggia qui voit notamment dans ces techniques l’opportunité de “produire des indicateurs très réactifs” en matière d’alerte sanitaire.
Côté jeunes entreprises, citons pêle-mêle : Neotec Vision et ses capteurs optiques couplés à des capteurs thermiques pour détecter les chutes ; Entourage Solutions pour son service destiné à créer du lien entre les personnes âgées et leurs proches ; Epiderm avec son application destinée à recueillir au plus tôt l’avis d’un dermatologue ; MaPUI dont la plateforme mutualise les pharmacies des hôpitaux ; Around Innovation avec notamment ses salles d’attente connectées pour améliorer le parcours du patient ; Directodoc et sa plateforme de suivi post-ambulatoire ; Beyond Your Motion dont l’application mobile améliore la capacité de mouvements suite à une maladie comme Parkinson (voir l’article). Pour sa part Télécom Santé, connue pour son lit communiquant, présentait cette fois Ambu-Track, un dispositif d’optimisation du parcours ambulatoire basé sur une puce RFID. La startup rennaise vient tout juste d’être primée pour ce nouveau service lors du Challenge de l’innovation organisé par la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP).
À noter, pour les startups à la recherche de partenaires de terrain, l’initiative Rennes Saint-Malo Lab. Elle a pour vocation d’organiser l’expérimentation de solutions innovantes sur les territoires des agglomérations rennaise et malouine, en particulier dans les structures de santé publiques. Neotec Vision et Entourage Solutions ont toutes deux bénéficié de ce dispositif également ouvert aux entreprises extérieures au territoire.
Le cycle de conférences Hôpital Numérique se poursuivra l’année prochaine. De même que l’opération DigitalForLife avec de nouveaux appels à défis à venir, le but commun étant d’accélérer la construction d’une filière en rapprochant startups du numérique et structures de santé.