Question à… Gaëtan Le Guelvouit #numérique #responsable

Publié le 09/09/2022

Gaëtan Le Guelvouit est responsable du labo Confiance & Sécurité, où il travaille à la conception et à l’amélioration d’outils de lutte contre la fraude numérique, chez l’IRT b<>com. Il est également membre du CSV du pôle Images & Réseaux, et a ainsi apporté sa contribution à la programmation de la technoférence “ Le numérique face à ses responsabilités – Réinterroger l’innovation ? ” organisée le 6 octobre 2022 à l’IMT Atlantique.

 

Entretien.

Pourquoi avez-vous souhaité contribuer à la programmation de cette technoférence (conférence technologique) ? 

 

Ça fait des années que je suis dans le numérique, au moment où on appelait ça de l’informatique. Et jusqu’à relativement récemment, on ne se souciait pas vraiment la responsabilité de ces technologies. C’est précisément quand l’informatique est devenue le numérique, avec une omniprésence dans tous les aspects de notre vie, que son impact écologique, social et son éthique sont devenus des sujets. 

 

Ce sont des débats passionnants, que j’essaie de suivre depuis le début, quand on nous racontait que l’envoi d’un mail équivalait à laisser une ampoule allumée toute la journée. 

 

Mais ce qui m’a révolté, c’est la découverte des travailleurs invisibles du numérique, et en particulier le Mechanical Turk d’Amazon : des indépendants, payés à la micro-tâche, qui remplacent les algorithmes qui ne sont pas encore au point. Ce sont des réflexions sur ce type d’exploitation que j’ai voulu introduire dans la programmation de la technoférence.   

 

Lors de la technoférence, 5 de nos adhérents partageront leur vision d’un numérique responsable. Quelle est la vôtre ?

 

Je laisse volontairement de côté la sobriété énergétique. C’est une démarche dont la pertinence est évidente. 

 

Il y a trente ans, on imaginait la technologie comme socialement libératrice, avec ces images de robots qui nous assistent. On en est loin aujourd’hui. La face cachée des services numériques qui nous facilitent la vie, ce sont ceux qu’on nomme les travailleurs du clic : les chauffeurs de VTC, les livreurs à vélo, les modérateurs de réseaux sociaux, ceux qui annotent à la main les datasets pour alimenter l’IA, les techniciens-pilotes de voitures télécommandées vendues comme autonomes…

 

Nous sommes peut-être dans une phase de transition où les plus précaires doivent être au service de la machine le temps qu’elle devienne autonome. 

 

Ma vision du numérique responsable, ce n’est justement pas ça. C’est agir maintenant pour la transparence, l’inclusion et le progrès social. 

 

 

Vous managez le laboratoire Confiance & Sécurité de l’IRT B<>com, expliquez-nous la manière dont la « confiance » et la « sécurité » sont des aspects d’un numérique dit responsable ? 

 

Notre vision de la confiance numérique, c’est que l’utilisateur doit pouvoir utiliser nos briques technologiques sans craindre une exploitation abusive de ses données — personnelles ou d’entreprise. 

 

Et la sécurité, ce sont les outils et les processus qui permettent d’assurer cela : intégrité et confidentialité des données, détection de fraude, authentification, etc. 

 

Pour aller plus loin, dans la plupart des projets lancés dans le labo, nous ajoutons une étude sur les usages et sur l’aspect juridique. Ainsi, malgré le côté exploratoire de nos travaux, le respect de la législation et les retours des utilisateurs sont des indicateurs à suivre pour notre démarche responsable. 

 

Enfin, s’il y a bien un levier générateur de confiance et imposant la responsabilité, c’est la transparence. C’est une règle en sécurité : un bon algorithme doit être public. Nous imposons la transparence et la vérification par nos pairs de nos algorithmes. 

 

 

Comment avec le réseau Images & Réseaux, pouvons-nous aller vers un numérique plus sobre, plus responsable, plus inclusif ?

 

Depuis plusieurs années, les experts du comité de sélection et de validation évaluent la démarche vers la sobriété des projets qui nous sont soumis. 

 

J’espère que les intervenants de la technoférence pourront nous donner des clefs pour aller plus loin dans les évaluations de projets. Certains appliquent déjà une démarche responsable, I&R doit pouvoir s’en inspirer. C’est complexe de trouver des critères à la fois objectifs et assez simples à mettre en œuvre. 

 

Mais si le réseau I&R arrive à imposer des mesures incitatives pour un numérique responsable dans les projets, vu le nombre d’acteurs impliqués, cela peut avoir un effet vertueux sur l’écosystème numérique du territoire. 

 

 

En prévision de la technoférence du 6 octobre, quelle lecture recommanderiez-vous aux membres d’Images & Réseaux ? Et/ou quelle page LinkedIn conseilleriez-vous de suivre pour s’informer sur cet enjeu ?

 

Je conseille fortement le livre En attendant les robots d’Antonio Casilli, qui décrit parfaitement le problème des travailleurs du clic. L’auteur est aussi très actif sur Twitter : @AntonioCasilli. 

 

Et justement, Invisibles, les travailleurs du clic, c’est une série documentaire disponible sur France Télévisions. 

 

On peut enchaîner avec Derrière nos écrans de fumée, un documentaire de Jeff Orlowski qui traite des réseaux sociaux, des applications associées et de comment elles entretiennent l’addiction. 

 

Enfin, je vous invite à suivre @emisirvh et @el_lehagre sur Twitter, deux spécialistes locales de l’éthique du numérique. 

 

Merci à Gaetan Le Gouelvouit pour ses réponses !

Bonne lecture à tous, et on se donne rendez-vous le 6 octobre à l’IMT Atlantique de Nantes pour échanger avec les acteurs de l’écosystème lors de notre technoférence autour du numérique responsable ! Inscrivez-vous dès maintenant ici 

Pour aller plus loin