Publié le 04/04/2016
Mauro Ettorre y croit dur comme fer, on pourra bientôt recharger son téléphone mobile sans effort particulier. Le chercheur rennais travaille à la mise au point d’un système de transfert d’énergie sans fil capable de recharger une batterie à distance. Le nom de ce projet : Wirefree.
S’il existe des milliards de smartphones et autres appareils électroniques mobiles, il existe tout autant de chargeurs et câbles auxquels il faut quotidiennement brancher l’appareil pour conserver la possibilité de se connecter. Qui supprimera ce dernier fil à la patte de la mobilité, verra s’ouvrir devant lui un immense marché. Tous les grands noms de l’industrie électronique s’y intéressent de près et des premières solutions de chargement sans fil sont commercialisées.
La technologie d’induction magnétique Qi (prononcer tchi) est la plus répandue. Elle a notamment été choisie par le géant du meuble en kit, Ikea, pour équiper mobilier et objets de la maison. Pour recharger la batterie de cette façon, deux conditions : que l’appareil mobile soit compatible Qi, et qu’il soit posé sur une zone dédiée. Car la distance entre transmetteur et récepteur d’énergie ne peut pas excéder 5 centimètres.
Avec le projet Wirefree, Mauro Ettorre, chercheur à l’IETR, vise à terme une complète liberté : un système capable de transférer l’énergie à distance, tout comme la Wi-Fi transporte l’information dans toute la maison. L’idée consiste à concentrer l’énergie en direction de l’appareil à charger : “Le champ électromagnétique des systèmes actuels est en forme de pomme : il rayonne dans toutes les directions. En plaçant des charges inductives, on parvient à façonner le rayonnement. Ce qui revient à additionner un ensemble de petites pommes pour focaliser le transfert d’énergie dans une direction.”
Avantages attendus du champ électromagnétique ainsi contrôlé et confiné : le transfert d’énergie sera plus efficace, il permettra de charger un appareil sur une distance de quelques mètres, et il évitera un rayonnement non contrôlé en espace libre. Car c’est un des problèmes qui brident le développement du transfert d’énergie sans fil : l’exposition aux radiofréquences nécessaires à la charge d’une batterie pourrait avoir des conséquences sur la santé.
La caractérisation des expositions induites par les futurs systèmes de transfert d’énergie sans fil est précisément le thème d’un autre projet, Expo_WPT*, mené en parallèle par un chercheur, lui-aussi de l’IETR, Maxim Zhadobov. Pour ce dernier, les risques liés aux radiofréquences sont de deux natures : “En fréquence haute, il s’agit de l’échauffement des tissus. En fréquence basse, il s’agit d’interférences possibles avec les courants qui existent naturellement dans le système nerveux. Le système étudié dans Wirefree est à la frontière des deux. On retrouve donc potentiellement les deux phénomènes : échauffement des tissus et courants induits. Pour nous, le premier défi est de caractériser les niveaux et les seuils d’exposition de façon précise. Ensuite, nous étudierons les solutions et scénarios, en particulier les niveaux limites de puissance, qui permettront de minimiser l’exposition de l’utilisateur tout en conservant une bonne efficacité du transfert d’énergie.”
Mauro Ettorre, se montre quant à lui résolument optimiste, il est convaincu que Wirefree pourrait générer des retombées considérables. La solution qui permet de concentrer le rayonnement dans une direction n’a pas d’équivalent pour l’instant. Et elle laisse entrevoir qu’il sera possible de trouver un bon compromis entre efficacité et absence de risque pour la santé. Au-delà des mobiles, une foule d’objets connectés pourraient être concernés.
Le projet, démarré en novembre 2014, est à mi-parcours. Il reste à mettre au point un prototype capable de recharger un PC mobile en situation réelle pour montrer la faisabilité du système. Puis à convaincre un industriel, si possible français, pour transformer la belle idée en solution.
Wirefree en bref
- Porteur du projet et unique partenaire : laboratoire IETR (Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes, UMR CNRS 6164).
- Aide au financement : ANR (Agence nationale de la recherche)
- Durée : 36 mois
- Coût global : 713 k€
(*) Également cité car complémentaire, Expo_WPT est un projet ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Il est mené par l’IETR en partenariat avec l’IRSET (Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail).