Tour d’horizon des technologies immersives et interactives utiles en milieu industriel

Publié le 25/08/2020

Jefmag: contrôle en realité augmentee
Le 18 juin dernier, les pôles TES et Images & Réseaux organisaient un webinaire passionnant sur le thème de l’« Immersivité et de l’interactivité en milieu industriel ». Etaient présents les experts du sujet et des chargés de projets particulièrement convaincus et convaincants par leur retours d’expérience dans le grand-ouest. De quoi donner l’envie de s’équiper et de lancer de nouveaux projets « réels » de simulation et visualisation.

Réalités virtuelles, augmentées ou mixtes, les technologies sont de plus en plus performantes. Alexandre Bouchet, directeur du Centre de ressources technologiques Clarté a pris soin d’introduire le sujet avec brio, comme à son habitude, en faisant quelques rappels historiques, en référence aux premiers usages militaires des technologies dits « de reconstitution numérique de la réalité » dans les années 60.

D’un phénomène de mode dans les années 90 à des technologies matures

Les évolutions ont été majeures dans les années 90, portées notamment professionnellement dans le domaine spatial et aéronautique (NASA, Boeing) puis démocratisées par les jeux vidéo dès 1995. Les technologies immersives et interactives sont quant à elles beaucoup plus récentes. Elles sont apparues seulement en 2010, d’abord dans le secteur du jeu vidéo avec un usage amplifié dès l’apparition des premières Google Glasses en 2013. « Grâce à la courbe Hype Cycle de Gartner (courbe de cycle de vie d’une technologie émergente) », précise Alexandre Bouchet, “on remarque qu’il faudra attendre 2017 pour que la réalité virtuelle se distingue sérieusement, puis 2019 pour ce qui concerne la réalité augmentée. Ces technologies émergentes ont aujourd’hui atteint une forme de plateau de productivité”. Parmi les usages professionnels les plus fréquents, notamment en milieu industriel, il fait référence à la formation (apprentissage de gestes techniques, prévention, sensibilisation des salariés…), l’UX design (conception ergonomique de services et supports), l’ “understanding complexity” (visualisation immersive pour analyser des situations complexes), l’expérience de marque (test de produits de consommation, simulations d’apparences) et l’expérience de vente (transposition visuelle, visite virtuelle d’un logement…), ou encore l’opération augmentée (assemblage, soudure, maintenance).

80% de la valeur est répartie entre les USA et la Chine

Le directeur de Clarté ne pouvait faire son introduction sans un état des lieux du marché français par rapport à l’international. Il relève que “l’écosystème français de RA/RV est bien développé avec 345 entreprises innovantes et indépendantes (source BPI France – février 2019) travaillant sur différents domaines (matériel, logiciel, création de contenus, …)”. Mais il faut savoir que l’Europe représente moins de 20% de la valeur internationale. Le leadership des USA et Chine est très net sur ce domaine des technologies RA/RV. Le déploiement de casques de réalité virtuelle ou augmentée y est déjà massif pour former notamment les équipes en milieu industriel.

De récents progrès technologiques considérables

L’exposé de l’expert se terminait par une description des dernières avancées du domaine. Et elles sont nombreuses. Celles qui permettent par exemple de partager des expériences en live avec plusieurs acteurs. On parle de collaboration dans les mondes virtuels ou augmentés. Celles qui permettent également une immersion à grande échelle avec des expériences vivantes où nous pouvons marcher, courir dans des grandes espaces. Il précise que les casques autonomes, associés au réseau 5G avec une puissance illimitée, permettront bientôt de vivre des expériences sur des dispositifs légers et simples. L’interaction avec le monde virtuel se voit déjà renforcée avec l’amélioration de la qualité des images, de l’immersion, et de l’interaction avec le déploiement de plus en plus de capteurs. L’arrivée de casques équipés de caméras permettant de passer instantanément du virtuel au réél amplifie le phénomène. Le champ de vision est désormais élargi, favorisant le développement d’expériences professionnelles différenciantes. Toutes ces avancées favorisent l’acceptabilité des équipements qui se déploient progressivement avec des retours de plus en plus positifs. Les lunettes se développent avec l’arrivée de nouvelles entreprises telles que NReal, Magic Leap, etc., qui vont accélérer cette évolution d’ici 12 à 18 mois. L’apparition de l’AR Cloud permet désormais d’héberger et de pérenniser des expériences de RA pour être partagées entre de multiples acteurs. Chacun dépose du contenu d’augmentation dans le monde réel et d’autres y accèdent. On aborde ainsi la notion du web spatial accessible à tous. Enfin, l’une des dernières sources d’intérêt de la réalité augmentée est la convergence avec des solutions d’intelligence artificielle (IA) et de l’Internet des objets (IoT), l’IoT étant la source de données, la RA étant la manière de le voir, et l’IA étant la manière de traiter l’intégralité de ces données pour afficher à la personne via la RA, les bonnes informations, au bon moment, au bon endroit, et de la bonne façon. Cette tendance est très intéressante d’un point de vue des usages professionnels puisqu’elle va permettre d’amplifier les capacités humaines, et de gagner en performance au travail.

Des expériences de plus en plus séduisantes et convaincantes en milieu industriel

Le brillant exposé d’Alexandre Bouchet était suivi des présentations de quatre cas d’usages très inspirants. La société normande Keyveo, spécialisée dans l’accompagnement de projets en environnements professionnels et industriels, était présente en force autour de son président Eric Joyen-Conseil pour expliquer ses services autour de trois retours d’expérience de ses clients de la formation à l’exploitation-maintenance. C’était ensuite au tour de la fonderie Bouhyer, fabricant reconnu de pièces en fonte pour l’industrie de la manutention et des travaux publics, de témoigner des nombreux atouts de leur solution de réalité augmentée pour optimiser le contrôle de pièces de grandes dimensions. (voir les détails de ces 4 projets ci-dessous).

En soutien à l’éco-responsabilité industrielle

Laurent Aubertin, directeur des opérations au pôle de compétitivité EMC2, dressait enfin les perspectives d’évolution sur le champ du manufacturing. Il a pu mettre l’accent sur le Manifeste pour une industrie éco-responsable, signé post-confinement par une cinquantaine d’industriels membres d’EMC2 afin de contribuer au plan de relance économique par l’écologie initié par l’Etat. Pour répondre à ce nouvel engagement sociétal, l’immersivité et l’interactivité ont selon lui un rôle stratégique à jouer à plusieurs niveaux. Elles peuvent « renforcer la sobriété des industries grâce aux simulations, aux jumeaux numériques, aux solutions de test permettant des économies de matières premières ou d’énergie à l’échelle de l’usine… » Il souligne que, contrairement aux idées reçues, « ces technologies peuvent permettre de renforcer également la place de l’humain, la collaboration et la solidarité en entreprise, en répondant à des problématiques de handicap, d’assistance vocale ou visuelle (tablettes, lunettes augmentées…), de sécurité (équipements connectés) ou encore de formation (maintenance à distance, métiers sous tension…), grâce à l’amélioration des interfaces Hommes-Machines. » Enfin, associées à des solutions d’intelligence artificielle, elles permettent déjà de booster le développement commercial par des catalogues dynamiques et ciblés par exemple. Le champ des possibles est énorme et passionnant. Il n’est encore qu’entrouvert et s’annonce particulièrement intrigant à parcourir.

Exemple de réalisation pour l’UIMM Normandie Pôle formation Rouen-Dieppe : Formation initiale usinage fraisage sur machine-outil à commande numérique en RV.
L’objectif du Pôle formation de l’UIMM était de fluidifier l’accès à ses machines-outils, et de limiter les casses et l’utilisation des matières premières. La création d’un module en RV a permis de prendre le cas d’usage de A à Z, tenant compte de la sécurité individuelle en situation d’usinage. La particularité de ce projet consistait à proposer des niveaux progressifs de difficultés en collaboration avec les formateurs. Un suivi et un rapport pédagogique ont également été mis en place ainsi qu’un mode de correction permettant de restituer le parcours de l’apprenant avec le formateur : revoir ce qui a été fait, commenter le parcours et corriger les erreurs.

Exemple de réalisation pour SAFRAN Nacelles : Formation réalité virtuelle A320 Neo
Safran Nacelles est un sous-groupe de Safran, dont l’activité se concentre sur la nacelle, pièce qui entoure le moteur d’un avion. La problématique de Safran Nacelles était de former des opérateurs de maintenance à suivre une procédure bien particulière et très technique dans un contexte international (Safran exporte ses produits dans le monde). Le projet consistait à digitaliser la nacelle pour la rendre transportable dans une valise, de la visionner dans le monde virtuel et de suivre une procédure associée. Cette solution a permis un suivi en temps réel grâce aux outils pédagogiques mis en place. Ainsi, sur la formation de groupes d’une dizaine de personnes, une est équipée du casque et réalise la procédure, et les autres visualisent la session de l’extérieur via des PC et suivent également l’évolution au sein de la procédure (étapes à réaliser et progression).

Exemple de réalisation pour SIEMENS : Formation réalité mixte – Cellule 6.6kV
Le groupe Siemens fait face à des problématiques de formation sur le terrain face à une cellule électrique et pour une opération de maintenance. L’utilisation du casque Hololens permet aux opérateurs techniques de visualiser la procédure : un panneau virtuel s’affiche sur la réalité, permettant de consulter l’ensemble des étapes à réaliser. L’avantage de cet outil est que les mains du technicien sont libres facilitant ainsi le suivi de la procédure et la réalisation des gestes sur la cellule réelle. Des images, un récapitulatif textuel et des vidéos sont disponibles et personnalisés. Une mise en contexte de la procédure est également matérialisée avec un marqueur spatial.

Retour d’expérience de la réalité augmentée à la Fonderie Bouhyer
Jacques Aumont, Directeur Industriel de la Fonderie Bouhyer
Le Groupe Bouhyer est un groupe centenaire qui fabrique des contrepoids en fonte pour l’industrie de la manutention et des travaux publics. Son projet est parti d’une anecdote d’un opérateur de la fonderie en recherche de tutoriels via une tablette pour monter en compétences. C’est dans ce cadre qu’ils ont cherché à développer leur propre outil pour aider leurs collaborateurs dans le repérage et suivi des défauts de pièces complexes, produites parfois en grande dimension ou à l’unité dans un environnement soumis à la chaleur et à la poussière.
Pour trouver sa solution, le groupe s’est ouvert à l’extérieur pour partager ses problématiques au travers de rencontres. Son projet de réalité augmentée a été soutenu par les dispositifs Résolutions de la Région Pays de la Loire et Métall’augmentée.
Selon Jacques Aumont, directeur de la fonderie « les freins ne sont pas toujours là où on les croit. Il faut toujours être en mode agile et aller chercher les forces où elles sont. Il est aussi important de sécuriser l’outil et l’ensemble de la base de données pour ne pas devoir repartir de zéro en cas de souci avec le prestataire ». Actuellement, le système fonctionne sur la V1. Le groupe cherche à passer à une V2 notamment pour le repère cartésien et cherche une solide PME pour les accompagner dans le futur déploiement industriel de l’outil.
Voir le témoignage vidéo de Jean-Pierre Moreau, DSI du groupe Bouhyer ICI.

Replay complet du webinaire