Publié le 26/04/2018
En Bretagne et Pays de la Loire, un DIH (Digital Innovation Hub) est en cours d’émergence. L’ambition de la démarche ? Structurer et accélérer le croisement entre le numérique et les filières d’excellence du territoire. En particulier l’agriculture, l’énergie, l’industrie, la mobilité et la santé. Une table ronde en dressait les premiers contours. C’était le 19 avril à Lannion, à l’initiative d’Images & Réseaux, et à la suite de son assemblée générale.
DIH, ce sont trois lettres à retenir. Car le Digital Innovation Hub de Bretagne et Pays de la Loire est un projet d’envergure appelé à mobiliser les énergies dans la durée. L’idée fondatrice ? Croiser le haut niveau de technicité du secteur numérique des deux régions avec les besoins d’innovation des filières en pointes sur le territoire pour développer de nouvelles solutions. Et faire ainsi d’une pierre, deux coups : enrichir les compétences numériques présentes par des usages spécifiques tout en accélérant la transformation digitale des filières métier. Le projet s’inscrit dans une initiative de la commission européenne qui vise à développer un réseau pan-européen de Digital Innovation Hubs à horizon 2020.
Pour en discuter, Images & Réseaux organisait, à la suite de son assemblée générale, une table ronde intitulée Contribuer au hub numérique breton et ligérien. Avec, pour illustrer, deux focus sur la santé et la mobilité. Autour de la table, 6 participants. Anne-Claude Lefebvre est directrice de ID2Santé, structure qui accompagne l’innovation du secteur santé en Bretagne. Jean-François Balducchi, délégué général d’Atlanpole, est aussi vice-président exécutif du pôle de compétitivité Atlanpole Biothérapies. Bertrand Hauet, secrétaire général de la recherche chez Renault, est vice-président du pôle de compétitivité ID4Car dédié à la mobilité. Vincent Marcatté, vice-président Open Innovation chez Orange Labs, préside Images & Réseaux, pôle de compétitivité dont Gérard Le Bihan est le directeur. Enfin, Horst Angerer, de Nokia, est venu de Munich pour témoigner sur la mise en place récente d’un Digital Hub Mobility dans la capitale bavaroise. Le débat était animé par Aurélie Crété.
Pour entamer les échanges, Vincent Marcatté situe les enjeux. Selon lui, la mise sur pied d’un DIH en Bretagne et Pays de la Loire est “stratégique” pour le secteur numérique comme pour les domaines d’application métier : “la santé et la mobilité, mais encore l’agriculture, l’énergie et l’industrie”. Toutes filières pour lesquelles il s’agira de “passer d’une collaboration artisanale à une coopération structurée”. Le président d’Images & Réseaux voit également dans cette construction une dimension “tactique au niveau européen”, qui aura pour bénéfices de “faire reconnaitre l’excellence de notre territoire” sur des sujets identifiés.
Aux côtés des pôles de compétitivité et clusters qui animent ces différentes filières, les technopoles auront un rôle à jouer. Mais quelle sera leur contribution ? Pour Jean-François Balducchi, le rôle de “relais” des technopoles est fondamental ainsi que celui de “contact avec le terrain”. Citant l’exemple d’Atlanpole, il indique : “Nous sommes en interaction avec tous les pôles applicatifs.” Pour l’industrie du futur, il estime qu’il faudra développer “une synergie entre les pôles EMC2 et Images & Réseaux”. Sur un autre thème, celui de la santé, Anne-Claude Lefebvre certifie pour sa part que ID2Santé compte bien “apporter sa pierre à l’édifice”. À propos des technopoles, elle parle de “rôle transversal” et de nécessaire “maillage territorial” pour donner corps au futur Hub numérique.
Pour Bertrand Hauet, qui représente ID4Car, c’est d’un “changement de paradigme” dont il s’agit. Le temps où l’on raisonnait en filières “a permis à chacun d’avancer” mais il est en passe d’être révolu car “les frontières bougent”. L’avenir est aux révolutions d’usages permises par les outils numériques. Il prend l’exemple d’un sujet “dont on nous rebat les oreilles” : le véhicule autonome. C’est un progrès technologique. Mais c’est surtout une somme de nouveaux usages car “les machines interagissent entre elles, ce qui libère du temps”.
Et de citer quelques exemples : le moyen de transport qui devient “lieu de travail”, d’où l’importance de “la connectivité numérique” ; le véhicule qui de personnel devient partagé, ce qui lui évite de passer “80% du temps à dormir dans le garage” ; le service de transport en commun qui se transformera en “service de déplacement à la demande”, plus souple tant au niveau des horaires que des trajets ; jusqu’à envisager de capter des informations de santé dans le véhicule, par exemple avec “des capteurs bas coût de fréquence cardiaque”. Tout ceci induit “une approche produit totalement nouvelle”, qui ne sera possible que grâce à “des outils communs”.
À suivre, Horst Angerer décrit le Digital Hub Mobility de Munich. Il s’agit d’une initiative spécifique à l’Allemagne. Elle s’est construite à partir de 2016 sous la forme d’un réseau de 12 hubs thématiques dans le but de structurer l’innovation par le numérique. Les objectifs rejoignent en partie ceux des DIH : conduire la transformation numérique et créer du croisement entre écosystèmes pour accélérer l’innovation.
Le Digital Hub Mobility regroupe des constructeurs automobiles comme BMW ou Audi, tout comme des acteurs du numérique tels que Nokia, Deutsche Telekom, SAP, Siemens et mêmes des GAFA. Et bien sûr à côté de ces poids lourds, des startups, des universités, des investisseurs… L’outil phare du hub Mobility est la Digital Product School, qui permet à des ingénieurs et étudiants de relever des défis concrets sous forme de développement accéléré en trois mois. Ceci avec l’aide de coaches, d’experts et d’outils dont la plateforme IBM Watson IoT.
Que faut-il en retenir quant à la mise en place d’un Digital Innovation Hub en Bretagne et Pays de la Loire. “C’est à nous d’inventer notre propre modèle”, estime Jean-François Balducchi. La capacité de “développer du travail en réseau” permettra d’atteindre “la masse critique” et aussi de “tracer notre propre voie”. Mais comment faire quand, comme le constate Anne-Claude Lefèbvre, “on ne connait pas encore les règles de l’Europe” ?
Vincent Marcatté estime pour conclure qu’il faut dès maintenant “commencer à travailler”. “Nous devons bâtir des feuilles de route communes entre pôles et clusters, et avec tous les acteurs de l’innovation… À partir de ces briques de base, nous pourront répondre de manière agile au cahier des charges de l’État et aux différents projets qui viendront de l’Europe.”
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