ZOOM SUR LE PROJET FIZIC

Publié le 08/05/2023

Le projet FiZiC, porté par Oxxius, en partenariat avec Le Verre Fluoré, Kerdry et  ENSICAEN-CIMAP, a pour objet le développement de la première génération de lasers visibles à base de fibre fluorée pompée par diode bleue. Il a été financé par BPI France, le Conseil Régional de Bretagne, Lannion Trégor Communauté et la Région Normandie, dans le cadre de l’appel à projets « PSPC-Régions »(ex FUI), dispositif de soutien financé par le Programme d’Investissements d’Avenir, après labellisation par le pôle de compétitivité Images & Réseaux. 

© Oxxius

En quoi consiste le projet FiZiC ?

Thierry GEORGES – “Le projet FiZiC a pour objet le développement de la première génération de lasers visibles à base de fibre fluorée pompée par diode bleue. Ces lasers couvriront les 4 couleurs principales des biotechnologies (cyan, vert, jaune et rouge). Leur simplicité, leur efficacité, leur faible coût, leur compacité et leur possibilité de monter facilement en puissance devrait supplanter la majorité des technologies concurrentes. Ces caractéristiques pourraient à terme ouvrir de nouveaux marchés.

La révolution de la dernière décennie est clairement celle des lasers à fibre. C’est devenu la technologie majeure pour les lasers infrarouges, devant les lasers à cristaux et les lasers à gaz (CO2). Le groupe IPG qui a mis cette technologie sur le marché fait aujourd’hui près de 1.5 milliard de $ de chiffre d’affaires.

Les partenaires du projet pensent qu’une nouvelle génération de lasers à fibre pourrait conquérir le marché des lasers visibles (surtout la haute puissance) au détriment des lasers à gaz (en cours d’abandon) et des lasers à cristaux. Ce serait la deuxième révolution des lasers à fibre.

Le marché des lasers visibles pour l’instrumentation est actuellement limité à quelques centaines de millions d’€ mais devrait croître, surtout si des lasers adaptés sont disponibles (notamment pour des puissances élevées). Les biotechnologies font partie des applications phares de ce segment de marché. C’est le marché principal d’Oxxius (50% des ventes). Deux techniques remarquables, qui ont apporté un Nobel de chimie à leurs inventeurs, le séquençage ADN (1980) et la microscopie de super-résolution (2014), requièrent des puissances de plus en plus importantes. Pour le séquençage, c’est la parallélisation nécessaire à la réduction des coûts qui nécessite plus de puissance (proportionnelle au taux de parallélisation). Pour la super-résolution, la réduction d’un facteur 10 de la résolution transverse (passage de 250nm à 25nm) nécessite une augmentation d’un facteur 100 de la puissance si on veut éviter d’allonger les temps de mesure.

Les couleurs principales sont le rouge (630-640nm), le vert-jaune (555-565nm), le vert (525-535nm) et le cyan (485-495nm). Les puissances nécessaires excèdent celles disponibles avec les diodes monomodes (200mW à 488nm, 100mW à 525nm, pas de diode à autour de 560nm et 200mW à 640nm).”

Quels sont les défis technologiques auquel le projet répond/a répondu ?

Thierry GEORGES – “Le haut degré d’innovation de ce projet est forcément synonyme de risques et de défis.

Rappelons les premières technologiques envisagées dans ce projet : dépôt de miroir sur une fibre en verre fluoré, pompage multiWatt dans le bleu d’une fibre en verre fluoré, puissances multiWatt des lasers sur un cœur monomode (de très faible surface), fibre ZBLAN double clad pour le visible, oscillations laser de transitions 3 niveaux avec double clad. Une fois le laser réalisé, il faudra traiter le risque du manque fiabilité (dégradations optiques ou mécaniques).

Listons les risques majeurs :

  1. Risque sur le dépôt de miroir sur la fibre : comme cela n’a jamais été réalisé, il y a un risque. Mais Kerdry a déposé des miroirs sur des centaines de matériaux différents et devrait donc trouver une solution. Dans le cas peu probable d’un échec, un miroir de Bragg sur fible silice serait « butt-couplé » à la fibre en ZBLAN. Le Verre Fluoré maîtrise cette technologie.
  2. Risque sur les miroirs à bande étroite : ces miroirs requièrent un nombre important de couches diélectriques. La solution de repli est également celle des réseaux de Bragg.
  3. Risque sur la fabrication de fibre double-clad : Le Verre Fluoré en a déjà fabriqué pour des émissions en infrarouge. Le risque serait plutôt de s’y reprendre à plusieurs fois avant d’atteindre le profil d’indice optimal (risque de retard). Un peu de marge  (3 mois) a été prise dans ce projet.
  4. Risque de ne pas atteindre le seuil laser des transitions à 3 niveaux (cyan et vert-jaune). Nous avons prévu la possibilité de multiplexer les pompes (augmentation de la puissance de pompe). Mais du fait de la forte brillance des pompes en GaN, on peut envisager un deuxième cœur plus petit en diamètre.
  5. Risque de dégradation optique des fibres : Le Verre Fluoré a montré que ces fibres ZBLAN double-clad supportaient des centaines de Watts de pompe infrarouge. Il faut maintenant le démontrer dans le visible. Nous pensons qu’il y aura forcément une limite haute, mais nous pensons qu’elle est bien au-delà des puissances prévues dans ce projet.
  6. Risque de dégradation mécanique des fibres : Le Verre Fluoré livre depuis des années des modules à base de fibre ZBLAN. Ils maîtrisent le sujet.
  7. Risque d’un niveau de pertes plus élevé dans le visible – pompe et laser – (par diffusion notamment, aux l’interfaces cœurs-gaines et sur les points de couplage et d’extraction) lié à la longueur d’onde plus basse / au laser MIR et à la structure double clad développée spécifiquement. Ceci pourrait augmenter les seuils, affecter le rendement laser et la reproductibilité.

Quel est le rôle de chaque partenaire ?

Thierry GEORGES – “Les fibres ZBLAN (verre fluoré) ont été inventées en Bretagne dans les années 70 (par un fondateur du Verre Fluoré). Dans les années 80 et 90, il a été démontré (notamment en Bretagne) que deux dopants, le Praséodyme et l’Holmium, pouvaient permettre de réaliser des lasers aux 4 couleurs recherchées (cyan, vert, vert-jaune et rouge). Plus récemment, deux innovations (la structure en double-clad et les diodes bleues de puissance) permettent d’envisager d’atteindre des puissances de l’ordre du Watt. Mais pour l’instant, aucune équipe de recherche dans le monde n’a encore publié de résultats avec ces innovations, même à 635nm (la longueur d’onde du Pr3+ la plus simple à faire osciller). Il faudra donc travailler sur l’injection de diodes bleues (Oxxius et CIMAP) et surtout optimiser les paramètres physiques de la fibre (LVF, CIMAP et Oxxius).

La technologie complémentaire des fibres dopées est celle des miroirs à réseaux de Bragg photo-inscrits dans la fibre de silice. Elle a été nécessaire pour le développement industriel des lasers à fibre de silice, notamment car elle permet de réaliser des cavités laser monolithiques. Cette technologie n’est pas disponible dans les verres fluorés. Jusqu’à aujourd’hui, aucun laser à fibre en ZBLAN monolithique n’a été réalisé. L’un des partenaires, Kerdry, développera des miroirs diélectriques déposés directement sur la fibre. Cela évitera toute hybridation (avec une fibre en silice) et rendra le laser plus industriel. C’est une innovation majeure.

Le Verre Fluoré conçoit et produit les fibres innovantes en verre fluoré. Il produit également le module laser incluant cette fibre, Kerdry dépose des miroirs sur la fibre et le CIMAP optimise les paramètres du laser de manière théorique (simulation) et expérimentale. Oxxius, développe le pompage, la détection et l’électronique de contrôle. C’est Oxxius qui produit le laser complet et qui le commercialisera.”

Votre projet a été labellisé par le Pôle Images & Réseaux et TES : quels sont les valeurs ajoutées d’un Pôle tels que I&R ?

Thierry GEORGES – “Le support d’I&R a été très important pour préciser les attentes des financeurs et aider les partenaires à y répondre clairement (sur les différents documents et les présentations orales). Cette aide a joué un rôle important dans la sélection du dossier.”

Quels sont les perspectives au-delà du projet ?

Thierry GEORGES – “Pour Oxxius, c’est l’occasion d’intégrer une nouvelle technologie et de créer une nouvelle gamme de produits connexe aux produits actuels et donc de compléter l’offre sur les marchés connus des biotechnologies. A l’horizon de 10 ans, c’est peut-être l’occasion de transformer une PME de 50 personnes en ETI.

Pour Kerdry, ces développements permettront d’adresser de nouveaux marchés avec la maitrise de dépôts sur fibres en verres fluorés ainsi que la réalisation de filtres étroits sur tout type de support (grâce à la maitrise des dépôts à basse température). En effet, ce type de dépôts n’est pas réalisé en France. Ceci permettra à Kerdry de devenir un des leaders européens des sociétés déposant des couches minces.

LVF a pour stratégie d’adresser différents marchés de lasers en tissant des partenariats avec des laséristes compétents et reconnus dans leur domaine. L’apport technique de LVF est la réalisation de modules de fibres optiques en verre fluoré pour réaliser différents types de laser.  En 2019, deux partenariats sont opérationnels, l’un dans les lasers supercontinus moyen infrarouge, l’autre dans les lasers continus à fibre moyen infrarouge. L’objectif est ces partenariats est le leadership des marchés visés, ce qui est le cas en 2019. Le projet FiziC est pour LVF l’opportunité de développer des modules pour adresser les marchés des lasers visibles, en partenariat avec des acteurs français au meilleur niveau mondial. En outre, les modules développés seront intégrables dans des boîtiers Oxxius, ce qui permettra une commercialisation rapide.”

Merci à Oxxius pour ses réponses !