Publié le 22/04/2021
L’Assemblée Générale du Pôle Images est un temps fort pour les acteurs du numérique. Un moment privilégié pour dresser le bilan de l’année écoulée et plus encore pour partager les perspectives. Et elles sont nombreuses. Dans ce contexte perturbé, le numérique joue un rôle majeur pour réussir les nombreuses transformations vers une société de l’emploi, de l’innovation et du bas carbone. Cette dernière thématique était au centre de l’événement du 20 avril et l’occasion pour Images & Réseaux d’affirmer son engagement en faveur d’un numérique responsable et durable.
Pour la troisième fois consécutive, l’assemblée générale du pôle de compétitivité Images & Réseaux du 20 avril dernier se tenait en ligne. Du 100% digital malgré tout très confortable. Un plateau télé était organisé dans les locaux du pôle à Rennes. Il était animé par Aymeric Poulain Maubant (Nereys), avec la plupart des intervenants sur place et d’autres à distance, des vidéos préenregistrées pour les traditionnels pitchs des nouveaux membres, des interactions accessibles sous forme de chat, des animations participatives proposées par Klaxoon, la possibilité de prolonger la discussion pour ceux qui le souhaitaient via TEAMS… Bref, un dispositif qui illustre combien on aura appris, durant cette crise, à apprivoiser les réunions à distance.
Ce qui suit revient brièvement sur la partie formelle de l’assemblée générale, avant de laisser une large place à quelques extraits de la table ronde qui se tenait en deuxième partie sur le thème : Ce numérique qui nous protège et nous rapproche.
Commençons par ce qui est l’essence de l’association : les personnes qui la composent et qui en font le quotidien. Cette assemblée générale était la dernière de Gérard Le Bihan pour cause de départ en retraite. Il a été le Directeur général d’Images & Réseaux pendant plus de sept ans. “Plus un peu de rab” taquine Vincent Marcatté, le Président, avant de lister le nombre impressionnant des événements, bureaux exécutifs et autres projets collaboratifs qu’il a fallu organiser ou suivre pendant cette période.
Le nouveau DG s’appelle Guillaume Farny, tout frais arrivé il y a une semaine. Il s’attèle à la tâche avec l’ambition de faire d’Images & Réseaux “un acteur clé du numérique en Europe”.
Du bilan 2020, deux points à retenir. L’année a été très positive en termes de projets collaboratifs : 71% des projets ayant obtenu le label Images & Réseaux ont été sélectionnés et financés. Depuis le début du pôle, en 2005, on a dépassé en 2020 la barre des 1000 projets labellisés. Par contre, pour ce qui concerne la communauté des membres, le nombre des adhésions a baissé de 6%. Pour en savoir plus, tous les chiffres et analyses sont dans le rapport moral disponible en téléchargement sur Le Mag, avec aussi l’écho des projets terminés en 2020.
L’action d’Images & Réseaux s’inscrit désormais dans le cadre de l’alliance I&R+TES officialisée fin 2020. L’accent pour 2021 est mis sur une offre de services renouvelée avec pour objectifs de conquérir et fidéliser les membres. Certains services comme les Technoférences continueront d’être ouverts à tous, tandis que d’autres seront dédiés aux membres avec un effort particulier en faveur des PME. D’où cette formule du Président, “We do more for our members!”.
L’autre objectif pour 2021 est d’être “un acteur actif et utile de l’après crise” avec aussi cette volonté : “Nous devons amplifier notre implication dans la transition environnementale.” La table ronde qui suivait était justement l’occasion de soulever des idées ou pistes de travail en ce sens.
Autour de la table, cinq invités. Chacun commence par livrer son ressenti sur la crise.
Ce qui a impressionné Patrick le Callet de Polytech Nantes/Université de Nantes est la prouesse réalisée par un collectif de makers rassemblant des organismes publics et privés pour concevoir un respirateur en Open Source : “On a construit en 3 mois un respirateur industriel.” Par ailleurs le chercheur a été récemment récompensé d’un Emmy Awards pour son algorithme d’intelligence artificielle destiné à réduire l’empreinte carbone du streaming. “Nous avons développé des sondes capables de prédire l’effet de la compression sur la perception de la vidéo par l’utilisateur.”
Julie Champion, Maître de conférence, Responsable de l’option Ingénierie Nucléaire IMT Atlantique, parle d’abord de la difficulté de l’enseignement à distance “quand vous avez plus de 100 vignettes vidéo face à vous”. Enseigner n’est pas seulement diffuser du savoir, c’est aussi de l’interaction. Il a fallu se réadapter pour assurer la continuité pédagogique : “Nous avons été réactifs.”
Autre point de vue avec Éric Bothorel, député des Côtes d’Armor. Il est impliqué dans deux rapports parlementaires récents, l’un sur le numérique dans le plan de relance, et l’autre sur une politique publique de la donnée. Pour lui, le député est devenu dès le début de la crise “une courroie de transmission” entre l’état et les acteurs locaux. Par exemple, autoriser la circulation des “gens du fablab” quand ceux-ci œuvrent pour la collectivité.
Michel L’Hostis est chef d’entreprise. Sa société, Apizee, commercialise des solutions de communication et d’expertise à distance. Dès le début de la crise sanitaire, il constate un boom : “Nos solutions de de téléconsultation médicale devenaient quasi vitales.” La charge de travail augmente en conséquence, le trafic est multiplié par 20 : “Nous avons embauché 25% de personnel en plus pendant le confinement.”
Constat similaire pour Mathieu Beucher, avec un afflux brutal de nouveaux utilisateurs de Klaxoon, la solution digitale d’animation de réunions et de colloques. Il a fallu réagir vite : “Nous avons fait le choix d’ouvrir nos outils à la gratuité”. Il a fallu “tenir bon” et “embarquer des équipiers”. Et puis certains relations commerciales ont gagné en simplicité : “Avant le confinement : impossible de vendre en Asie, il fallait être sur place… Aujourd’hui, on peut travailler à distance.”
Après ce tour de chauffe, chacun précisera les impacts de l’épisode sanitaire sur ses activités. Éric Bothorel commence par introduire le concept de données d’intérêt général et prêche pour une ouverture maximale des données de tous horizons : “il existe une impérieuse nécessité d’une meilleure circulation de la donnée entre les services publics et le privé.” À propos de la crise sanitaire ou d’autres urgences comme les enjeux climatiques, il va jusqu’à évoquer la possibilité de “réquisition de la donnée” lorsque l’intérêt général le justifie.
Dans un tout autre registre, Michel L’Hostis parle des One-time Users, donc d’utilisateurs qui découvrent l’outil et pour lesquels “tout doit être complètement intuitif”. Ce qui l’amène à ce constat pour Apizee : “Ce sont les utilisateurs qui ont fait évoluer la solution.”
À quoi Mathieu Beucher renchérit : “Nous avons eu des interactions très riches avec les utilisateurs.” Klaxoon a même décidé de lancer un nouveau produit “dans cette tempête”. Appelé Board, ce produit ajoute de l’écrit à l’échange et “évite que tout reste à l’oral”. L’outil venait à point car ce qui a changé, “c’est le rapport au temps”. “Tout le monde était contraint de prendre des décisions très très vite, à l’échelle de la semaine… Les équipes ont du apprendre à se réorganiser et à corriger très vite les erreurs… Cette distance nous a rapprochés, on est beaucoup plus efficaces quand tout le monde peut exprimer son retour.”
C’est Mathieu Beucher qui est à l’origine du débat en parlant des “rituels” – la discussion dans le couloir ou autour café – où l’on règle tout ce qui n’a pas pu l’être pendant une réunion. Ce sont ces rituels qui font défaut dans le travail à distance, ce qui “dénote souvent d’une réunion mal tenue”. En distanciel, le CEO de Klaxoon préconise de formaliser le rituel et surtout “de ne pas essayer de tout résoudre en une réunion”. La solution est de “laisser les choses se faire en asynchrone”, donc d’organiser des sessions de travail de courte durée prolongées par d’autres modalités d’interaction.
Julie Champion appuie cette “nécessité de l’asynchrone”. Ses étudiants sont de toutes origines et de multiples nationalités, certains ayant des moyens de connexion limités. Ils ont leur propres outils de forum et de chat, elle cite Discord. “On s’est mis à leurs outils. Et on a constaté beaucoup de solidarité entre étudiants, et aussi entre enseignants et élèves.”
Patrick Le Callet observe cette même solidarité. Les restrictions conduisent à tenter de résoudre les problèmes par soi-même, le “Do it Yourself”. Puis à se rendre compte qu’on peut partager son expérience ou rechercher de l’aide. Ce qu’il rapproche de la démarche d’Open Innovation. “La crise a montré la nécessité de collaborer à tous les niveaux. Chez soi mais aussi entre makers. L’innovation ouverte c’est aussi réaliser combien on a besoin les uns des autres.”
Éric Bothorel fait alors valoir son expérience de parlementaire pour “mitiger” les avis exprimés sur le travail à distance : “Croiser un ministre dans un couloir est un moment fabuleux pour régler certains problèmes. Parce qu’il y a là une proximité que vous n’aurez jamais dans l’hémicycle avec plus de 550 députés.”
En réponse, Mathieu Beucher est partisan du juste milieu. “Ne soyons pas dans la caricature du tout présentiel ou du tout distanciel. Et c’est justement ça qu’on doit trouver : comment on donne la parole à tout le monde en économisant les moyens.”
Pour Michel L’Hostis aussi, il reste beaucoup à imaginer et développer pour que le distanciel soit pleinement satisfaisant : “Il faut appendre le contact à distance. Apprendre à détecter les signaux faibles pour désamorcer les sujets d’incompréhension qui naissent plus facilement à distance qu’en présentiel.”
La table ronde se terminait par l’évocation des perspectives de développement qui se profilent pour chacun. Julie champion parle de réalité virtuelle et augmentée “parce que dans le nucléaire, on a besoin de manipuler les choses”, aussi “pour apprendre à gérer les risques des rayonnements ionisants et de la radioactivité”. Éric Bothorel évoque plusieurs sujets dont “la souveraineté” et “le numérique et l’environnement”.
Pour les deux chefs d’entreprise présents, l’actualité est à l’intelligence artificielle. Michel L’Hostis introduit le concept de Merged Reality avec l’appui de l’IA, par exemple “pour que l’expert à distance puisse poser les mains sur la scène”. Tandis que pour Matthieu Beucher, il s’agit de mobiliser toute l’information afin de “créer un point de rencontre entre l’humain et les données”. L’objectif final étant que : Les prises de décision en collectif soient de plus en plus éclairées.”
Enfin pour Patrick Le Callet, il s’agit toujours de compression vidéo avec pour contrainte “d’adapter la recette au contenu”. Autrement dit faire en sorte qu’un médecin à distance ait la qualité optimale pour “accomplir sa tâche”, ce qui est très différent de la consommation d’une vidéo grand public où le besoin de qualité se limite à ce qu’il faut pour “apprécier le contenu”. L’idée est aussi de consommer moins d’énergie quand c’est possible.
Ce qui rejoint la question du “numérique responsable” qui sera le thème du prochain rendez-vous organisé par Images & Réseaux. Ce sera le 3 juin, lors de la prochaine Technoférence, annonce Vincent Marcatté en conclusion.