Publié le 19/06/2018
Sécurisation des routes maritimes, observation des courants marins, surveillance des pollutions ou de la température de l’eau, navigation autonome… La journée Numérique & Mer du 8 juin à Lannion était riche de cas d’usage. Le secteur maritime est un réservoir d’opportunités pour toute la panoplie numérique : communications mobiles, internet des objets, cloud, big data, intelligence artificielle, cybersécurité…
“On ne protège pas un navire loin de tout en mer comme on sécurise un data center à Lannion.” Cette phrase entendue lors d’un atelier cybersécurité l’après-midi donne la tonalité de la journée : les besoins numériques du monde maritime sont immenses, mais étroitement liés aux spécificités des métiers de la mer. Et c’était tout l’intérêt de cette journée Numérique & Mer que de confronter besoins et compétences par une rencontre entre acteurs des deux filières.
Sur le thème sécurité et sûreté maritimes, la journée d’échange destinée aux professionnels était organisée par Le pôle Mer Bretagne Atlantique et le pôle Images et Réseaux, en partenariat avec la technopole Anticipa. Elle se tenait le 8 juin dans les locaux de Nokia à Lannion. Suit pour illustrer, un aperçu de quelques-uns des sujets abordés au cours de présentations, tables-rondes et ateliers.
Présentée par Yann Le Moan, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) est d’abord un centre de données. C’est un agrégateur d’informations : localisation des navires, météo, images satellites… Et à partir de là, un fournisseur de données qualifiées pour différents besoins : sécurité en mer, surveillance de la pêche, détection des pollutions, lutte contre la piraterie, surveillance des trafics illégaux…
L’AESM complète son offre par des services automatiques, des ABM (Automated Behaviour Monitoring), qui déclenchent des alertes lorsque certains critères sont vérifiés. Aussi “des interfaces machine-machine pour alimenter des systèmes qui enrichissent les données pour des besoins spécifiques”. L’intervenant liste quelques projets récents ou futurs de l’agence : un nouveau moteur de gestion des images satellites “beaucoup plus rapide”, des services ABM à base d’apprentissage machine, du traitement de données massives pour prendre également en compte les archives, une gestion des données dans le cloud…
La météorologie est un autre grand consommateur de données. Notamment d’informations sur les océans puisque selon Sylvain Le Moal du Centre de météorologie spatiale de Lannion : “Le réservoir d’énergie qui détermine la météo se situe en mer.” L’observation fine de la mer sert aux prévisions de court terme comme à l’anticipation des phénomènes exceptionnels : tempêtes, cyclones…. Aussi, à alimenter les modèles de climat à 20, 30, 50 ans. “Ce qui serait intéressant, c’est d’aller voir sous la surface. Le climat du futur, il se prévoit par la surveillance de la mer et de sa température.”
Le météorologue lance une forme d’appel, en référence à la démarche d’Open Data et d’ouverture des archives de Météo France pour favoriser l’émergence de nouveaux services. “L’ouverture est une vraie volonté. Nous sommes prêts à accueillir des startups : mettre à disposition des locaux, des données, du contact avec les scientifiques, du temps de calcul…”
À propos de startup, voici e-Odyn. La jeune société propose un service en rupture avec l’existant. Son idée : elle utilise les données massives issues des navires en circulation pour établir une cartographie temps réel des courants marins de l’ensemble des océans. La startup brestoise exploite le système d’échanges automatisés de messages (AIS, Automatic Identification System) qui permet de surveiller la position et la route des navires pour en déduire la dérive liée aux courants. “C’est ce qu’on appelle de l’Ubiquitous Sensing” précise Yann Guichoux, le CEO. “Nous analysons en continu 100 000 points à l’échelle du globe… Nous sommes capables d’observer le Gulf Stream avec une précision inédite.”
Autre avantage de la solution : elle est incomparablement moins coûteuse que l’observation par satellite. “C’est un modèle que la solution e-Odyn vient complètement disrupter.” Au point qu’il n’est pas si simple de convaincre : “Il a fallu prendre son bâton de pèlerin.” Les compagnies pétrolières pour leurs plateformes et l’observation scientifique sont les premiers intéressés. Déjà la startup se projette sur d’autres applications, notamment “un IoT dans le domaine maritime” à partir de boîtiers équipant les navires.
La journée était également l’occasion de prendre des nouvelles de projets collaboratifs labellisés des deux pôles de compétitivité. Ainsi PRACTI SEAS, présenté par Pascal Ollivier de la société quimpéroise Kenta, se concrétise par “une gateway”. Un boîtier embarqué à bord des navires sera le point d’entrée d’une “plateforme radio logicielle dédiée aux communications numériques dans le domaine maritime”. En particulier la sécurité maritime et l’aide à la navigation, ainsi que le transfert de données vers le littoral à partir de “bouées instrumentées”.
Plus ancien, le projet TMS est maintenant devenu un produit. Neptulink est “commercialisé depuis quelques mois” informe Yann Toutain, directeur de l’exploitation de MVG Industries à Brest. C’est un boîtier-antenne “durcit pour la mer” qui dote le navire d’un accès Internet haut débit de 20 Mbit/s minimum dans un rayon d’environ 20 milles nautiques des côtes. Il équipe déjà des navires de la Marine nationale, des douanes, de la SNSM, de même que certains Abeilles, ces remorqueurs d’intervention ultra puissants qui sécurisent les zones les plus dangereuses comme le rail d’Ouessant. Neptulink permet aussi de “déployer une bulle de communication locale” lorsque les réseaux sont saturés comme au départ de La route du rhum.
L’événement s’est conclu par trois ateliers sur la sécurité maritime : IoT, traitement des données et cybersécurité. Qui ont entre autres permis de se rendre compte de la diversité des activités maritimes à sécuriser : Bien sûr, les différentes formes de navigation, mais encore les plateformes d’exploitation offshore, l’éolien, l’hydrolien… Et même les câbles sous-marins puisque comme le dira l’un des intervenants “95% du trafic internet passe par les océans”.