Publié le 19/06/2019
L’Institut de cancérologie de l’ouest (ICO) en a fait un axe stratégique : l’approche systémique du cancer qui associe à l’observation clinique la prise en compte de multiples facteurs environnementaux passe par les technologies d’exploitation des données massives. L’établissement se structure en conséquence et encourage les partenariats. Entretien avec Mathilde Colombié, sa directrice scientifique et innovation.
Plus grand centre de lutte contre le cancer en province, l’Institut de cancérologie de l’ouest assure trois missions complémentaires : les soins, l’enseignement et la recherche. Il compte 1300 salariés dont 200 médecins, chercheurs, pharmaciens et biologistes et une centaine d’internes. Répartie sur deux sites, à Angers et Saint-Herblain, l’équipe a suivi en 2018 près de 44 000 patients issus pour l’essentiel des Pays de la Loire (90%). Mathilde Colombié exerce en tant que médecin nucléaire. Elle est aussi directrice scientifique et innovation de l’établissement.
Mathide Colombié. La recherche et l’innovation sont au cœur du projet d’établissement défini pour la période 2018-2022, mais l’intérêt du patient reste la première de nos préoccupations. Notre ligne directrice est à double sens : offrir au patient en cancérologie le bénéfice de notre expertise en recherche, et se donner pour objectif scientifique de nos travaux d’identifier le meilleur traitement, celui qui est le mieux adapté au patient.
Il s’agit aussi de développer un écosystème favorable au développement de projets de recherche, ce qui passe clairement par les partenariats. D’une part, nous développons notre expertise scientifique et médicale autour de la prise en charge du cancer. D’autre part, nous offrons le partage de cette expertise de pointe avec des partenaires académiques ou industriels pour travailler au sein d’un réseau, expérimenter, et aboutir à des résultats qui profitent finalement à nos patients.
Mathide Colombié. Le cancer est une maladie complexe qui doit être abordée suivant une approche globale et transdisciplinaire. Il y a bien sûr l’observation clinique et les résultats d’imagerie. Mais il existe aussi tout un réseau d’interactions dynamiques de l’organisme avec son environnement. Nous sommes convaincus que si nous parvenons à faire parler les données de chaque patient, nous pourrons mieux le soigner. En croisant des informations telles que l’origine géographique, le mode de vie, les données génétiques avec aussi les caractéristiques de la tumeur, la réponse à un traitement pourra être évaluée et améliorée. Par exemple, prédire avant même l’injection d’une chimiothérapie si celle-ci va donner une réponse satisfaisante.
Nous sommes dans une approche de médecine de précision qui associe l’analyse génétique et génomique au traitement big data de toutes les données qui peuvent être utiles. L’objectif est de déterminer les thérapies ciblées les plus efficaces et les mieux supportées pour traiter une mutation.
Mathide Colombié. Nous sommes dans un contexte où il existe une volonté à l’échelle nationale d’organiser la profession autour des données de santé. C’est notamment le Health Data Hub initié par le ministère de la santé. Le Grand Ouest en est le préfigurateur avec avec la réalisation du premier réseau européen d’entrepôts de données cliniques supporté par HUGO, sous l’impulsion du professeur Marc Cuggia du CHU de Rennes.
À l’ICO, nous sommes en phase de construction d’équipe et de structuration. D’abord au niveau organisationnel avec le recrutement de nouveaux profils autour des données de santé : data scientists, bio-mathématiciens, bio-informaticiens… Ensuite par la mise en place de différents projets de recherche, et notamment un groupe de travail sur l’éthique associée aux big data. Nous visons l’obtention du label ADEL, qui est une évaluation éthique du traitement des données numériques dans le plus grand respect de vos patients.
Mathide Colombié. L’une des pistes que l’on pressent intéressante est de travailler sur la notion d’exposome. C’est-à-dire la prise en compte de toutes les expositions subies par un être humain : par les aliments qu’il mange, l’air qu’il respire, les contacts de produits avec la peau… Coupler les données environnementales avec les caractéristiques de la maladie qu’est le cancer est un véritable enjeu scientifique et de santé.
Ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. En plus des partenariats académiques et industriels, nous sommes dans une stratégie d’accompagnement des startups lorsqu’on sent qu’il existe un potentiel à développer. Elles manquent bien souvent de contacts avec les médecins et d’un démonstrateur santé pour valider leurs travaux. C’est ce que nous essayons de leur offrir à travers des collaborations.