L’imagerie médicale se transforme par les outils numériques

Publié le 23/11/2018

Numérique & Santé Angers : Imagerie médicale

Depuis le scanner et l’IRM, pas d’invention de rupture dans l’imagerie médicale mais une transformation des pratiques. Nous sommes à l’ère de l’imagerie multimodale et multidimensionnelle, de l’assistance à l’interprétation, de la radiologie interventionnelle, de la chirurgie augmentée et guidée par l’image… Le tout sous-tendu par l’intelligence artificielle, le big data, le cloud, la réalité augmentée… Le cycle Numérique & Santé faisait étape le 20 novembre à Angers pour un focus sur l’imagerie médicale riche en témoignages et retours d’expérience. Extraits.

Atlanpole Biothérapies, ID2Santé et Images & Réseaux poursuivent leur collaboration dans l’organisation de journées thématiques bisannuelles autour des défis et enjeux du numérique pour la santé. C’était cette fois sur le thème de l’imagerie médicale, le 21 novembre, à l’occasion de la Connected Week d’Angers. Une matinée de conférences, témoignages d’experts, pitchs et moments de networking, destinée augmenter la surface de frottement entre système de santé et innovation numérique. Elle se tenait à la Wise Factory avec le concours d’Angers Technopole et Atlanpole dans le cadre de la Connected Week à Angers.

Pas de poids lourd français, mais l’émergence de startups

Emmanuel Cordonnier, l’expert en télémédecine et transferts de données médicales de l’IRT b<>com, commençait par dresser le paysage de l’imagerie médicale. Où l’on a assisté ces dernières années à une évolution rapide des techniques : la reconstruction des volumes, l’imagerie 4D qui prend aussi en compte l’évolution dans le temps, la multimodalité qui combine et superpose des images issues de modalités d’imagerie différentes, la radiologie interventionnelle qui permet des opérations guidées par l’image extrêmement pointues : “Quand on réfléchit à ce que sont capables de faire les radiologues, c’est vraiment impressionnant.”

bcom Imagerie médicale

Du point de vue du marché et des enjeux économiques, il se pratique 80 millions d’examens chaque année en France pour un coût global de 6 milliards d’euros. Par ailleurs la médecine française contribue largement aux progrès récents. Pourtant, “les industriels français sont absents”. Certes, il existe en France des fournisseurs de composants leaders dans leur spécialité et quelques PME “sur des niches”, mais pas de poids lourd capable des rivaliser avec les GE Healthcare, Siemens, Canon… L’intervenant note toutefois, “une émergence” de startups hexagonales ces dernières années. Puis il cite quelques tendances de l’innovation : le traitement des données issues d’imagerie en mode SaaS “au lieu d’acheter un appareil”, la miniaturisation tel que le mini-échographe qui “envoie l’image sur une tablette”, les robots ou cobots capables d’assister le praticien. Et une conviction partagée chez b<>com : “On croit beaucoup dans la réalité augmentée.”

Un cadre éthique pour les données

Pour encadrer les promesses technologiques évoquées, l’intervenant suivant, Frédéric Kleindienst, avertit : “il faut des garde-fous.” Le CEO de Keosys présente un label, ADEL, qui est “le premier label sur l’éthique des algorithmes de traitement et des données numériques”. En particulier, celles issues d’imagerie médicale. Le contexte est celui d’une numérisation croissante et “l’irruption entre le patient et le médecin d’un troisième acteur” : ce sont les outils et services numériques. On parle maintenant d’essais cliniques “in-silico”, de “diagnostic augmenté” grâce à l’assistance à la décision, de “radiomique qui permet de voir ce que l’œil ne voit pas”.

Ces avancées posent toutefois question. “Est-ce que les développeurs sont majoritairement des hommes ?… Est-ce que ce sont des occidentaux ?… Oui, certainement.” Autant de conditions susceptibles “d’introduire des biais dans les algorithmes”. ADEL est une “plateforme d’évaluation de l’éthique des algorithmes” qui vise à “encapsuler l’éthique” dans les développements dès le démarrage. “Nous militons pour l’éthique by design”, argumente l’entrepreneur.

ADEL

L’imagerie soutient l’acte thérapeutique en temps réel

Suivaient deux témoignages passionnants de praticiens hospitaliers. Antoine Bouvier est radiologue interventionnel au CHU d’Angers. Il présente les avantages de la toute nouvelle “salle hybride”. En clair : un bloc opératoire nativement équipé de différentes modalités d’imagerie dans une approche pluridisciplinaire et collaborative de l’intervention. C’est “un investissement lourd” mais qui permet notamment “des actes thérapeutiques mini-invasifs” guidés par l’image. Donc des interventions très localisées et plus rapides, dont le patient récupère beaucoup plus facilement. L’équipement a même permis de “développer de nouvelles applications”. Dont une première mondiale : l’occlusion sélective des vaisseaux irriguant d’une tumeur avant ablation partielle du rein, ce qui permet d’éviter les complications hémorragiques.

Puis c’était au tour d’Antoine Lucas, chirurgien au CHU de Rennes, de parler de chirurgie vasculaire assistée par ordinateur. En particulier de la solution EndoNaut, développée par Thérenva, qui est le résultat de “20 ans d’efforts”. Elle permet aujourd’hui de sécuriser les gestes endovasculaires délicats tels que la pose d’endoprothèses aortiques. Le chirurgien démontrait en particulier comment l’outil anticipe les “déformations prévisibles per-opératoires” de l’artère à traiter par modélisation numérique. Résultat qui n’aurait pu être obtenu sans une étroite collaboration : “Le chirurgien en intervention a besoin de simplicité… On se plante lorsqu’on invente des outils qui ne s’insèrent pas dans le workflow.”

Modélisation et calculs pour assister l’analyse des images

Après les retours d’expérience, place aux experts en calculs scientifiques. Avec d’abord le projet de recherche MAIA d’analyse multiphysiques fondée sur l’imagerie pour la compréhension du développement cérébral des prématurés. François Rousseau de l’IMT Atlantique explique combien, comparé à l’adulte, il est extrêmement difficile et délicat d’effectuer des mesures chez le grand prématuré. D’où l’idée de développer une méthodologie de croisement des données issues d’IRM, d’EEG (électroencéphalographie) et autres techniques de mesure pour affiner la connaissance. En particulier établir “une corrélation entre le degré de prématurité et le développement cérébral”. L’objectif à terme est de concevoir des outils pour l’analyse d’image et du signal, opérationnels en routine clinique et librement accessibles.

Maia

Le sujet d’études suivant était la maladie de Crohn, qui se traduit par des inflammations chroniques du système digestif. On la détecte notamment grâce à l’ingestion de vidéocapsules qui permettent de visualiser les intestins. Sauf que cette méthode “génère énormément d’images” explique Nicolas Normand du laboratoire L2SN. Une masse d’information, longue et difficile à analyser. Le projet de recherche CrohniPI, mené conjointement avec l’institut IMAD, détecte les lésions en faisant appel à l’apprentissage profond : le deep learning. Parmi les techniques utilisées pour faciliter l’interprétation, le système ralentit le défilement des images là où il suspecte une lésion.

Trois startups prometteuses…

La matinée était aussi l’occasion de trois pitchs de startups. D’abord VitaDX et son logiciel de détection précoce du cancer de la vessie basé sur des algorithmes de machine learning (Lire : Face au cancer de la vessie, VitaDX investit 5 ans d’efforts). Puis Hera-MI, qui utilise également l’intelligence artificielle pour accélérer le diagnostic (Lire : Hera-MI : l’intelligence artificielle dépiste le cancer du sein). Et pour finir Artificial Insight, filiale de Fealinx, qui est une plateforme d’hébergement d’applications de diagnostic basées sur l’intelligence artificielle. Un store pour faciliter l’accès à l’IA aux médecins.

Pour aller plus loin