Publié le 19/03/2019
Prototypage rapide, conception centrée utilisateur, ouverture, agilité… S’il est des lieux où les principes de l’innovation sont en pratique, ce sont les fablabs. Si bien qu’ils deviennent pour l’industrie une source d’inspiration. De la FabCity au fablab corporate, de la conception d’antennes à la fabrication additive de prothèses, la Technoférence #28 s’intéressait à la culture maker sur le thème : “L’âge du faire : du prototype à l’industrialisation”.
“Donner l’esprit fablab à une entreprise industrielle, c’est permettre de révéler les talents cachés dans l’entreprise. Pas seulement dans les bureaux d’études, mais aussi au niveau des opérateurs. C’est s’inventer un métier plus riche et plus complet.” Ce plaidoyer de Tanneguy de Villemagne, du pôle EMC2, en fin de matinée, résume l’esprit de la 28ème Technoférence : échanger sur les meilleures pratiques issues des fablabs et les utiliser dans les entreprises et laboratoires pour accélérer l’innovation.
La 28ème Technoférence Images & Réseaux se tenait le 14 mars à Brest, d’où elle était relayée en visio vers Angers, Laval, Lorient, Nantes et Rennes. L’événement était organisé en partenariat avec l’UBO, l’Université de Bretagne Occidentale.
C’est Norbert Friant qui donnait le coup d’envoi des témoignages. Responsable numérique à Rennes Métropole, il est aussi cofondateur du LabFab, le fablab rennais aujourd’hui étendu en un réseau d’une vingtaine de laboratoires de fabrication numérique répartis dans l’agglomération. Des lieux qui s’adressent à la fois “à ceux qui pensent savoir-faire et à ceux qui pensent ne pas savoir faire”, car le ciment du réseau est “le partage de connaissances” avec pour objectif de “créer du bien commun”. Aujourd’hui ce réseau mêle les énergies des passionnés, des ingénieurs et des chercheurs car il s’agit aussi de “faire sortir les gens de leurs labos et de mettre en test leurs travaux”.
Pour encourager cette mixité, la collectivité organise des opérations du type hackathon. Par exemple MaisonMix sur le thème de la maison connectée, ou bientôt MétroMix pour “inventer nos déplacements”. Si bien qu’un potentiel économique et social émerge, à l’exemple de la pantoufle connectée qui est devenue entreprise. Aujourd’hui le LabFab est épaulé par des partenaires économiques tels que Leroy-Merlin, Keolis, Engie, Orange… Ces groupes industriels y voient “un espace pour les idées et un espace pour expérimenter”. L’étape d’après sera “le passage à l’échelle” avec le concept de FabCity. Celui-ci ambitionne de “proposer un modèle urbain résilient s’appuyant sur l’inventivité et les ressources locales”.
La culture maker transforme la ville. Elle transforme aussi les techniques d’apprentissage comme l’expliquait ensuite Yves Quéré, directeur de l’UBO Open Factory. Pour l’universitaire, le Fablab a ceci de particulier qu’il s’apparente au bricolage dans un garage “sauf qu’avec une machine à commande numérique et des fichiers open source, on peut bricoler à des milliers de personnes dans le monde.” L’UBO Open Factory est un atelier ouvert d’innovation pluridisciplinaire qui se veut être “un carrefour entre l’enseignement, la recherche et le milieu socio-économique”. L’activité y est structurée en quatre piliers : la fabrication numérique ; la conduite de projets d’innovation ; la mise sur pied de projets collaboratifs s’appuyant sur des écosystèmes multidisciplinaires et transversaux ; enfin l’animation, “parce qu’il ne suffit pas de mettre des gens ensemble pour qu’ils collaborent”.
Autre retour d’expérience, cette fois dans l’industrie, Le garage est “un catalyseur de l’innovation” à l’échelle du groupe Nokia. Céline Wolski-Duval, cofondatrice de ce makerspace maison, explique qu’il s’agit notamment d’apporter “une part d’esprit startup” dans l’entreprise. C’est “un tiers-lieu” qui permet de “dépasser les silos et la hiérarchie”. L’important est moins ce qu’on y développe, souvent “éloigné du cœur de business”, que la méthode faite d’itérations, d’essais, de pivots… Bref, l’occasion d’expérimenter par la pratique une transformation vers davantage d’agilité.
Suivaient deux exemples des possibilités offertes par la fabrication additive. Le premier est exposé par Serra Abderrabba, postdoc au laboratoire de recherche Lateral regroupant des chercheurs du Lab-STICC et de Thales. Pour la conception de nouvelles antennes, l’impression 3D cumule les avantages : elle est accessible, flexible, rapide, personnalisable et beaucoup moins chère que l’usinage classique. Des qualités déterminantes pour le prototypage rapide et la réalisation de preuves de concept.
Même avantages mais dans un autre domaine, celui de la santé : Axel Dubois de SLS France explique pourquoi l’impression 3D est de plus en plus utile au chirurgien. Elle permet par exemple de réaliser des guides de coupe dans le cadre de la planification du geste chirurgical. Ou encore de fabriquer des prothèses personnalisées : “Ce n’est plus le patient qui s’adapte à la prothèse, c’est la prothèse qui s’adapte au patient.”
Arthur Wolf intervenait ensuite pour témoigner de son parcours original. Il y a quelques années, c’était un maker qui contribuait à des projets open source “en tant que hobby”. Il n’avait pour toute expérience de programmation que quelques compétences en HTML et développement web. Grâce à un fablab brestois et aux communautés de développement, il aura tout appris de la réalisation d’une carte électronique de contrôle. La SmoothieBoard dont il est l’initiateur, est une carte open hardware 32 bits programmée en open source, capable de piloter des machines à commande numérique. Aujourd’hui, grâce à une opération de financement participatif, le jeune maker est CTO d’une entreprise dont il est cofondateur. RobotSeed produit, teste et distribue la SmoothieBoard de même que des machines du marché avec ce système open source préinstallé. Ce sont des découpeuses laser et routeurs CNC notamment.
Pour conclure, Tanneguy de Villemagne, déjà cité, racontait en quoi la plateforme d’innovation collaborative Ma Manufacture est un outil capable “d’apporter de l’open innovation dans l’industrie”. À la manière des fablabs, l’atelier rassemble près de Nantes des équipements, des expertises, des façons de faire et des techniques d’animation pour “explorer et expérimenter”. Par exemple, Airbus utilise l’endroit pour imaginer et fabriquer des solutions d’amélioration des postes de travail. Mais la difficulté, souligne l’intervenant, c’est d’attirer dans ce lieu les PME et TPE, car elles ont “moins de temps et moins de budget”. L’outil est pourtant fait pour elles, car l’esprit fablab dans les entreprises : “C’est aussi une manière de ne pas rater le créneau du numérique.”
La prochaine Technoférence, édition #29, sur le thème de “L’industrie du futur” se tiendra en juin.