Publié le 16/10/2018
Les attentes sont fortes. La 5G est supposée répondre aux besoins de l’industrie du futur et des transports autonomes, aussi bien qu’au divertissement haute définition ou aux jeux vidéo les plus exigeants. Connectivité, latence, débit mais aussi services et débouchés, comment se prépare le saut vers la cinquième génération mobile ? La Technoférence #26 du 11 octobre faisait le point.
Le grand jeu des effets d’annonce a déjà commencé. Verizon affirmait le 1er octobre lancer le premier service commercial 5G au monde. En réalité, il ne s’agissait que d’un service d’accès sans fil à internet à haut débit et sur quatre villes des États-Unis seulement. Reste que le mouvement vers la cinquième génération mobile se précise. La 5G est pour demain.
Pour s’y préparer, la 26ème Technoférence Images & Réseaux faisait un point de situation suivi de focus très pointus côtés radio et cœur de réseau. Avec aussi un éclairage applicatif sur un des services attendus de la 5G : la connexion à faible latence et sans faille des véhicules autonomes. L’événement se tenait le 11 octobre à l’IUT de Lannion. Il était relayé en visioconférence à La Roche-sur-Yon, Lorient, Paris et Rennes.
Xavier Lagrange, qui se chargeait du tour d’horizon introductif, commence par décrire la panoplie des services et performances attendus. Le professeur à l’IMT Atlantique voit la 5G comme étant “un système protéiforme” tiraillé par une “diversification des usages et des terminaux”. C’est le fameux triangle 5G que l’on retrouvera dans toutes les présentations. En haut, le large bande mobile qui ambitionne un débit de “20 gigabits par seconde” et une expérience utilisateur fluide “en 4k ou 8k”. À gauche, l’internet des objets caractérisé par “un déploiement massif” d’objets et de machines connectés. À droite, les services critiques qui exigent à la fois faible latence et haute fiabilité à l’exemple des transport autonomes. À ces trois directions, il faut ajouter une nouvelle dimension : “L’efficacité énergétique est une préoccupation majeure alors qu’elle ne l’était pas dans les générations précédentes.” Plus tard l’intervenant évoquera aussi la sécurité devenue un point très important. “Avant la sécurité était déléguée. Avec la 5G, l’authentification est gérée par le réseau.”
Le caractère protéiforme de la 5G se traduit dans l’architecture et les technologies utilisées. Côté radio, on conserve les principes de la 4G auxquels on ajoute “de la flexibilité”. Et les bandes de fréquence utilisables sont étendues en particulier aux ondes millimétriques. Dans les environnements très denses, le modèle multi-antennes (massive MIMO) permettra de concentrer l’énergie “dans la direction voulue”. Côté réseau, les points marquants sont “la virtualisation des fonctions” et “le network slicing” qui permettent d’adapter les ressources mobilisées aux exigences des différents services. Xavier Lagrange estime que la 5G est particulièrement complexe : “Je mets au défi de connaitre tous les sigles.” La cinquième génération mobile prévoit “beaucoup d’options”, ce qui en fait une sorte de “couteau suisse”. Et devant cette complexité, le professeur avoue : “Je suis en train de réfléchir au cours sur la 5G que je donnerai, je ne sais pas encore comment il sera structuré.”
Olivier Simon, d’Orange, complétait le panorama par le point de vue très pragmatique d’un opérateur. Quand on parle de 5G, explique-t-il, on se focalise sur les nouveautés -connectivité IoT et faible latence- au point de faire du haut débit “un sujet qui se ringardise”. Ceci alors que “le Mobile Broadband” reste l’attente principale des consommateurs. Un chiffre pour le rappeler : “Entre 2008 et 2018, le trafic de données mobiles a été multiplié par 1000.” Non pas de façon linéaire, mais par paliers qui correspondent à l’arrivée des smartphones, puis la libération des forfaits. Aujourd’hui, l’amélioration de la capacité de transmission reste génératrice de business. Pour cela, la 5G profitera de trois “key enablers” : la virtualisation des réseaux, le massive MIMO et l’extension aux ondes centimétriques et millimétriques.
Orange expérimente la 5G depuis 2017. D’abord fonction par fonction, puis de bout en bout depuis le printemps 2018. À partir de mi-2019, un déploiement dans quelques villes permettra de “rôder le système”. Mais pour les premiers services, “il faut s’attendre à des lancements commerciaux en 2020”. La première version déployée, qui correspond d’abord à “un renfort capacitaire”, se complètera au fil du temps : en 2021, 2022… La disponibilité de mobiles 5G à un coût abordable est un autre point qui conditionne le marché : “Tout le monde regarde la roadmap des terminaux.”
Suivait une série de focus techniques de haut vol. Carlos Bader de Centrale Supélec/ IETR explique les travaux de recherche menés sur les formes d’onde étudiées pour la 5G. Ceci avant d’évoquer l’après 5G (Beyond 5G) et une nouvelle augmentation du débit avec les “Terahertz communications”. Ce thème sera repris en fin de matinée par Jean-Charles Point de JCP-Connect, à propos du projet européen Terranova qui ambitionne délivrer une qualité d’expérience sans fil digne de celle des réseaux optiques. Intervenait également Eduardo Motta Cruz de l’Université de Nantes/IETR sur les problématiques d’antennes qui visent notamment à “augmenter les débits sans augmenter la consommation d’énergie”.
Puis c’était au tour de Philippe Sehier de Nokia d’expliquer comment le réseau radio 5G doit être flexible : “Il existe très peu de use cases qui demandent à la fois faible latence et fiabilité. Le réseau doit s’adapter aux différents types d’exigences.” C’est pourquoi le réseau devient intelligent et capable de choisir la configuration en fonction du service. Si bien que : “L’intelligence artificielle arrive de façon massive dans les architectures.” Côté cœur de réseau, mêmes problématiques de débit, connectivité et latence et donc de flexibilité. Cao-Than Phan de l’IRT b<>com explique comment le “network slicing” dans une approche “as a service” permet de gérer les différents cas d’usage. Y compris à travers différents domaines dans le cas d’un service impliquant plusieurs opérateurs.
Du point de vue applicatif, Alain Servel du groupe PSA présentait le cas du véhicule autonome. Et donc les attentes d’un constructeur automobile vis à vis de la 5G. Où en est-on de l’autonomie ? “On a développé des briques” explique l’intervenant. En particulier les caméras, radars, lidars : “ça marche”. Mais le véhicule autonome en toutes circonstances : “On ne l’a pas encore.” Le chemin vers l’autonomie se fait par niveaux, le graal étant le niveau 5 du véhicule sans conducteur.
L’intervenant distingue deux types de fonctions. Celles qui se peuvent se contenter des capteurs embarqués dans le véhicule et celles qui réclament de la connectivité. Par exemple, “il faut être connecté” pour voir le bouchon qui est en train de se former au-delà de la portée du radar. Aux niveaux 3 et 4, le véhicule étend ainsi son horizon électronique grâce à une “cartographie haute résolution” mise à jour périodiquement. Au-delà, on peut même imaginer “un arbitre” qui régule le trafic. C’est le “remote driving” dans lequel “l’intelligence n’est plus dans la voiture”. La nouvelle génération de réseau mobile est le socle attendu de ces besoins en connectivité : “Ce qui nous intéresse dans la 5G, c’est d’avoir dans le même chipset toutes les fonctions dont nous avons besoin.” D’autant qu’il faudra également “fournir de l’infotainment” au conducteur devenu passager : “Nous avons aussi besoin de haut débit !”
Prochaine conférence technique Images & Réseaux : Technoférence #27, le 13 décembre sur le thème Humain augmenté. Site principal : Nantes.