Publié le 23/06/2020
La période est propice pour s’interroger sur nos modes de consommations. Erwan Nédellec, expert chez Orange en contenus vidéo et de divertissement, prêche pour une sobriété numérique de bout en bout. C’est la responsabilité des industriels : réduire l’empreinte environnementale des équipements et des services. C’est aussi la responsabilité de l’utilisateur, qui doit apprendre à utiliser le numérique au plus juste de ses besoins.
Erwan Nédellec. N’étant pas spécialiste du sujet, mon intérêt pour les impacts des usages numériques est d’abord personnel et citoyen. Et puis sur le plan professionnel, mon rôle de référent m’amène à croiser mon expertise en contenus numériques avec d’autres questions de toutes natures, dont celles des impacts environnementaux de nos activités. D’autant qu’il existe aujourd’hui chez Orange, une accélération marquée sur ces sujets. Notre nouveau plan stratégique à horizon 2025 annonce clairement l’intention du groupe de – je cite – “s’engager durablement pour l’égalité numérique pour la planète”. Ce n’est pas de l’affichage, c’est une culture d’entreprise qui se met en place. En pratique, la prise en compte de cet objectif se déclinera à tous les étages et dans tous les services proposés. La question environnementale devient un critère prépondérant, y compris dans la sélection de nos solutions.
Erwan Nédellec. Les leviers sont multiples, car la distribution de contenus est constituée d’une chaîne d’éléments. L’un des aspects est la fabrication des équipements. Nous avons mis en place depuis quelques années déjà une démarche d’écoconception de nos appareils, dont les décodeurs TV. Cette démarche tient compte d’un ensemble de critères dès le début du projet : la consommation des matières premières, les rejets dans la nature, la consommation d’énergie… Résultat : l’empreinte carbone du décodeur TV UHD de dernière génération est divisée par deux comparée à la version précédente. À noter que des équipes de Lannion et de Rennes sont fortement impliquées dans ces projets.
Les players – les lecteurs vidéo – sont un autre levier d’action. L’idée est de fournir la meilleure qualité d’expérience au débit le plus approprié. Et donc éviter de fournir une sur-qualité qui consomme inutilement de la bande passante. Nos players intègrent des algorithmes de prise de décision qui tiennent compte de critères comme le nombre d’images par seconde ou la taille de l’écran pour adapter le service à ce qui est réellement perceptible par l’utilisateur.
“Toujours mieux plutôt que toujours plus”
L’optimisation de l’encodage est un autre axe de travail important. La norme HEVC est deux fois plus efficace que ne l’était H.264. Et VVC, qui sera bientôt publiée, permettra encore de réduire le débit de 30 à 35%. Au-delà de la normalisation, l’optimisation de l’encodage est un effort continu. Une solution d’encodage d’aujourd’hui est 30% plus efficace qu’une solution de première génération.
Il n’existe donc pas qu’une façon d’atteindre l’objectif. Il faut mettre bout à bout des optimisations en ayant en tête de faire “toujours mieux” plutôt que “toujours plus” à tous les étages.
Erwan Nédellec. Tout à fait. La qualité de l’image, c’est-à-dire la qualité perçue par le spectateur, n’est pas fonction de la seule résolution de l’image. L’important n’est pas qu’il y ait plus de pixels mais de meilleurs pixels. C’était le sens des projets collaboratifs 4EVER puis 4EVER-2. Ils ont démontré que des améliorations comme de meilleurs contrastes, de meilleures couleurs, plus d’images par seconde, un meilleur son, avaient un impact fort en termes de qualité d’expérience tout en étant moins gourmands en bande passante que la multiplication du nombre de pixels par 4 du format 4K. Dans cette mesure, ces expériences ont amené une rupture. Avec ce qu’il est possible d’obtenir en ultra HD, j’estime que nous avons atteint une sorte de plateau en termes de qualité vidéo. Par contre, nous verrons de l’innovation sur l’optimisation des coûts et de l’efficacité énergétique, car il y a une vraie attente sur ces sujets-là.
Erwan Nédellec. Bien-sûr, c’est le fameux effet rebond. La réponse à la question de la sobriété numérique n’est pas seulement technique. Il faut aussi que l’utilisateur adhère à la démarche, ce qui passe par de l’éducation. Un exemple concret : lorsque l’on utilise YouTube uniquement pour écouter de la musique, la partie codage vidéo ne sert à rien. Et le simple fait d’en être conscient peut participer à changer ses habitudes.
Quand on utilise le vélo au lieu de prendre la voiture, on sait que c’est meilleur pour l’environnement. C’est ce type de réflexe qu’il faudra avoir dans nos usages du digital. Il ne s’agit pas de culpabiliser, ni de prêcher pour la frugalité. Utilisons les outils numériques au plus juste de nos besoins, ce sera déjà très bien.
En complément
Sur le futur de la compression vidéo et le format VVC (Versatile Video Coding), voir l’intervention de Wassim Hamidouche, de l’Equipe VAADER, de l’Insa Rennes – IETR lors de la Technoférence #32 du 9 juin dernier. Voir la vidéo
Sur l’amélioration de la qualité perçue, voir l’article sur la présentation du projet collaboratif 4EVER-2 lors du NAB Show 2016. Voir l’article.
Photo : Erwan Nédellec lors du Connected TV World Summit 2019 organisé par Mediatel Events Ltd.