Publié le 14/12/2018
Un trajet en avion est parfois très long. Si bien que la distribution de contenus multimédia et la connectivité en vol deviennent une composante déterminante de “l’expérience passager”. Divertissement en vol, cabine connectée, 4G dans l’avion… La matinée Numérique & Avionique du 27 novembre faisait le point.
Le Conseil National de l’Industrie l’a récemment mis en évidence : la problématique des cockpit, cabine et avionique connectés devient prioritaire pour la filière aéronautique. Sur ce sujet, Images & Réseaux s’associait au pôle EMC2 à l’occasion de la Nantes Digital Week 2018 pour engager une session de réflexion entre les acteurs des deux pôles. L’objectif étant de croiser les besoins de l’aéronautique avec les solutions technologiques numériques disponibles sur le territoire. Cette table ronde avait lieu en matinée du 27 novembre au siège du CIC Ouest à Nantes, où se tenait un peu plus tard l’assemblée générale Images & Réseaux.
Julien Valin de Thales, positionnait d’abord les enjeux. Et il pointe d’emblée un ennemi : “Le passager qui n’est pas content.” Si bien que les compagnies aériennes cherchent à fournir une “Inflight Experience”, une expérience en vol, la plus fluide possible. Le graal à atteindre : “votre salon dans l’avion”. Ou, exprimé sous forme d’exemple : “Le passager a vu le Super Bowl en direct. Il en retire une tellement bonne expérience de vol qu’il recommande la compagnie.”
“Aujourd’hui nous travaillons sur l’immersion” poursuit le BID Manager de Thales. Donc la définition Full HD, le 4k, le paiement sans contact notamment. La plupart des contenus sont chargés lors des escales. Des “Téra de données” qui pèsent lourd en termes de gestion, un “pain point” selon l’intervenant. Surtout, la connectivité en vol est de plus en plus d’actualité. D’abord à destination des pilotes, puis des passagers. On l’observe notamment aux États-Unis où l’avion est devenu une sorte de “métro”. Et on l’on veut avoir accès à “son email, son facebook, son twitter”. Tous services pour lesquels le nerf de la guerre est “une connectivité stable et de bonne qualité”. Le salut technologique viendra des nouvelles générations de satellites, tandis qu’en parallèle “on regarde la Wi-Fi et la 5G”. Enfin côté services, il reste beaucoup à imaginer car l’avion est un endroit “où on est enfermé pendant des heures”. D’où l’opportunité de servir des contenus selon les profils observés : “On passe progressivement de l’expérience à l’engagement passager.”
Reste que l’aéronautique est un monde complexe, avec cette particularité qu’un avion “ça dure 40 ans”. La connectivité, les écrans, etc., sont généralement “installés pour sa durée de vie”. C’est ça qui explique que dans l’aviation “on est toujours en retard” sur les technologies du moment. Et au final : “Beaucoup d’airlines hésitent sur le choix de la connectivité.”
Les interventions à suivre étaient beaucoup plus techniques. À commencer par Pierre Defour de Nokia, qui s’exprimait depuis Abou Dabi sur le sujet des “LTE Air to Ground Solutions” développées par l’équipementier. Il s’agit de réseaux cellulaires LTE dont les antennes sont pointées vers le ciel pour apporter une connectivité 4G aux avions. Selon deux points de vue : d’abord le cockpit, ensuite la cabine. Ce réseau d’accès radio est une adaptation très spécifique du LTE, avec des cellules “larges de 150 km” et une “couverture en 3D” à différentes altitudes. Le débit espéré : “Nous avons démontré que l’on peut atteindre 75 à 80 Mégabits par seconde dans l’avion.”
Les avantages par rapport aux liaisons satellitaires ? Une installation facilitée, des équipements plus compacts et moins lourds, par exemple “des antennes grosses comme la paume d’une main”, une infrastructure accessible et modifiable, un débit intéressant, moins de latence… Et dans le futur, encore plus de capacité, la 5G, la continuité du service jusqu’à l’aéroport et au-delà… Bref, que du positif. Sauf que ce réseau terrestre ne s’applique que là où on peut déployer un réseau d’antennes. Elle est adaptée aux liaisons intracontinentales mais pas aux liaisons transocéaniques. La solution Nokia sera bientôt opérationnelle, après “10 ans de développement“.
Pour compléter le paysage, deux PME. Cailabs d’abord qui, grâce au projet collaboratif Flylight, est en train de réussir son entrée dans le monde de l’aéronautique. Sa spécialité : elle met en forme la lumière issue des lasers pour lui donner de nouvelles propriétés. Dans le cas de l’avionique, cette technologie sans équivalent permet de passer “plusieurs canaux dans la même fibre” explique le CEO, Jean-François Morizur. Et donc de concevoir une nouvelle architecture de câblage beaucoup plus légère à performances constantes. Or le poids est un critère primordial : “Chaque kilo gagné représente quelques milliers d’euros à la vente de l’avion.” Suite au projet, Cailabs a signé avec Safran un accord de partenariat en vue de “décupler les capacités de transport de données” à bord des avions.
Ensuite dans le registre du In-flight Entertainment, TeamCast développe une solution pour optimiser la distribution de contenus audiovisuels aux passagers. Christophe Trolet, Satellite BU Manager de l’entreprise, explique comment une technologie OTT over Satellite permet d’unir les approches broadcast et broadband pour éviter de transporter plusieurs fois un contenu alors qu’il sera consommé par plusieurs passagers. Cette solution revient à faire de l’avion “un hotspot” capable de relayer en multicast les contenus les plus populaires sans compromis sur la qualité.
L’événement se concluait par un point sur les opportunités de collaboration et de financement en Europe, suivi d’une séance de remue-méninges entre les participants. Objectif atteint : la matinée a démontré l’étendue des besoins et débridé les imaginations.