Regards croisés à la direction du pôle Images & Réseaux

Publié le 21/06/2021

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L’un arrive, l’autre part mais pas complètement. Le 15 avril dernier, Gérard Le Bihan lâchait les rênes du pôle Images & Réseaux pour les confier à Guillaume Farny. L’occasion de revenir sur la genèse du pôle et son évolution depuis 2005, en cette période charnière d’engagement de la phase IV des pôles de compétitivité et de développement de la structure dans le cadre de l’alliance stratégique signée avec le pôle TES normand.

  • LeMag : Vous avez assisté à la naissance des pôles de compétitivité en 2004. Puis, en tant que directeur Général du Pôle Images & Réseaux, vous avez contribué à son développement au cours de plusieurs phases entre 2007 et 2021. Quels regards portez-vous sur l’évolution de l’écosystème du numérique, en particulier dans le Grand Ouest ?

Guillaume Farny (à gauche) et Gérard Le Bihan (à droite) se sont prêtés au jeu d’une poignée main conviviale “sans contact” dans les locaux d’Images & Réseaux de Rennes.

Gérard Le Bihan : “J’ai été un témoin privilégié de la place prise par les sujets numériques dans nos sociétés. Il y a une quinzaine d’années, quand on parlait réseaux, on pensait vidéo haute définition et 3G. Aujourd’hui, on travaille déjà sur la 6G et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les futurs CODECs vidéo pour en réduire l’empreinte environnementale. A sa manière, Images & Réseaux a participé à faire émerger ces technologies et à les rendre accessibles auprès du plus grand nombre.

Depuis leur création, les Pôles de compétitivité ont participé au développement économique des territoires sur lesquels ils étaient implantés. Comment ? En devenant un outil majeur de collaboration entre les académiques et les industriels. Ce qui a évolué au fil des années, c’est la manière de favoriser et d’accompagner ces innovations. Le Pôle s’est attaché à mettre en place les subsidiarités avec les acteurs de l’innovation comme, par exemple, les réseaux des technopôles et des French Tech en Bretagne et en Pays de Loire dont le Pôle a posé les premiers jalons avec les cantines numériques.

Outre l’accélération du rythme des innovations, j’ai observé le croisement de plus en plus fréquent entre des briques technologiques issues de domaines scientifiques qui fonctionnaient plutôt en silo il y a encore quelques années. Aujourd’hui, par exemple, l’intégration de la composante Intelligence artificielle dans le traitement de l’image est une évidence. Favoriser la fertilisation croisée est donc une exigence et une mission du pôle. La phase III (2013-2018) a marqué à cet égard une étape importante avec le besoin de faire passer de l’innovation à un produit et service viable économiquement. Cette double exigence de coopération et de mise sur le marché est reprise dans la phase IV des Pôles, avec en plus un focus sur la dimension européenne.”

  • Le Mag : Le Numérique est présent dans de nombreux domaines d’activité. Dans la santé, la culture, les mobilités, l’industrie 4.0 notamment. Comment le Pôle de compétitivité favorise l’émergence et le déploiement des solutions innovantes ?

Guillaume Farny : “Comme cela a été mentionné par Gérard, Images & Réseaux est d’abord un outil de collaboration et de rencontres entre le monde de la recherche et le monde des entreprises. Des PME et des ETI principalement. Pour cela, il faut cultiver au quotidien son réseau d’experts, d’adhérents et de partenaires pour être à l’écoute des idées, des tendances, des besoins du marché et de la société.

Cet écosystème est dense et très dynamique sur nos territoires. Il a aussi beaucoup évolué ces dernières années, nous amenant à conforter un principe d’action majeur qui est celui de la subsidiarité. Ce principe de subsidiarité est indispensable. Il nous permet de nous focaliser sur notre valeur ajoutée, à savoir la délivrance d’une expertise scientifique de premier ordre. Obtenir le label du Pôle est un atout majeur pour obtenir des financements publics comme ceux de l’Agence nationale de la Recherche (ANR). Depuis 2005, ce sont plus de 1000 projets qui ont reçu ce précieux sésame pour faciliter l’obtention d’un financement.

Proposer ce réseau d’expertise de très haut niveau et reconnu est une des grandes forces du Pôle que nous renforçons en permanence. Ainsi, avec le pôle de compétitivité TES, nous fédérons depuis 2019 l’unique comité d’experts du numérique à l’échelle du Grand Ouest. Une collaboration qui nous permet notamment de couvrir un plus grand champ d’expertise sur la santé, l’industrie du futur et la culture.”

  • LeMag : Vous coordonnez le Comité d’experts de l’Alliance entre les Pôles Images & Réseaux et le Pôle TES. Pouvez-vous nous expliquer en quoi va consister votre rôle et celui du Comité d’experts ?

Gérard Le Bihan : “Initialement, nous avions envisagé de fusionner les deux pôles de compétitivité TES et Images & Réseaux. Cette fusion s’est simplifiée en une Alliance stratégique. Nous avions déjà élaboré notre roadmap R&D&I en commun dès 2019, puis, dans la continuité du Comité de sélection et de Validation d’Images & Réseaux, nous avons créé une instance commune composée d’experts à même de porter un regard pointu sur les projets de recherche collaborative souhaitant bénéficier d’un label souvent synonyme de financement. Dans le cadre de cette nouvelle Alliance, chacun des pôles conserve sa propre autonomie quant à la labellisation des projets par son conseil d’administration. Mais Images & Réseaux et TES s’appuient sur un comité scientifique commun d’une cinquantaine de membres issus du monde académique, des entreprises et couvrant l’ensemble des domaines technologiques d’excellence des deux pôles. Ce qui a évolué est que ce comité s’est renforcé avec l’arrivée d’experts issus du réseau du Pôle TES avec des compétences sur les domaines d’usage sur lesquels les deux pôles ont décidé de se focaliser (Industrie, Santé, Contenus, Agriculture et Territoire), C’est un atout car cela renforce les compétences sur les technologies, la connaissance des marchés, et facilite la coopération entre les entreprises et la recherche à l’échelle de 3 régions.

Mon rôle sera d’animer ce collectif afin d’expertiser l’ensemble des projets nécessitant un avis dans le cadre des appels à projets nationaux et régionaux. Il s’agit d’évaluer les projets tant sur le degré d’innovation de la solution proposée, les verrous techniques à lever, que leur modèle de développement. C’est pourquoi, je serai vigilant avec les permanents des deux pôles à ce que ce réseau d’experts se réunisse, échange régulièrement, et que sa composition reflète bien la variété des domaines technologiques maîtrisés sur nos territoires et les domaines d’usages dans lesquels le numérique intervient.”

  • LeMag : Le pôle Images & Réseaux est très impliqué tant au niveau régional, national et européen. Pouvez-vous en dire un peu plus et nous expliquer en quoi cela renforce l’attractivité de l’écosystème numérique du Grand Ouest ?

Guillaume Farny : “Dès sa création, Images & Réseaux a affirmé sa présence en Bretagne et Pays de la Loire mais également sa vocation à être un « pôle à vocation mondiale ». Le Pôle est devenu un acteur incontournable du numérique dans le Grand Ouest. Il s’est également construit une belle réputation au niveau national avec la qualité de son label. Cela se manifeste également par la présence des représentants du Pôle et de l’équipe permanente dans les comités stratégiques de filière (CSF) ou comme membre du bureau de l’Association Française des Pôles de Compétitivité (AFPC). Récemment, c’est un des permanents du Pôle, Gaël Maugis, qui a été choisi comme Point de Contact National (PCN) sur le Numérique pour accompagner les acteurs français dans les réponses aux appels européens d’Horizon Europe.

Cette présence du Pôle est un atout car elle permet de participer en amont à la définition et à la mise en œuvre des appels à projets nationaux, comme ceux de l’ANR, mais aussi européens. Cela nous permet d’anticiper et de proposer le meilleur accompagnement possible aux acteurs bretons, ligériens et aussi normands au travers de notre Alliance avec le Pôle TES.

Aujourd’hui, nous structurons également cette expertise au niveau européen. Ceci se manifeste par les nombreux projets auxquels le Pôle est associé. Parmi eux, nous travaillons dans le cadre de la réponse à un appel à projets européens à la mise en place d’ici fin 2021 de deux « hubs d’innovations ». L’un en Bretagne avec un fort volet autour de la cybersécurité que nous coordonnons, et l’autre en Pays de la Loire autour de l’Intelligence Artificielle auquel nous contribuons. Ces deux hubs à dimension européenne seront des guichets privilégiés pour tout l’écosystème du numérique dans le Grand Ouest.”

  • LeMag : Pour finir, en quelques mots, quelles sont les priorités des prochains mois pour le Pôle Images & Réseaux ?

Gérard Le Bihan : “Les projets autour de la 5G et la question de la maitrise des process et composants électroniques vont jouer un rôle important, en lien avec des enjeux de souveraineté et de relocalisation des activités. Le Pôle est déjà impliqué dans plusieurs projets nationaux avec l’Institut de Recherche Technologique b<>com sur la 5G souveraine. L’arrivée de nouveaux acteurs, y compris étrangers, sur les territoires associés à ces thématiques doit permettre au Pôle de développer son offre d’accompagnement. Bien évidemment, les innovations numériques vont jouer un rôle majeur aux défis de la société avec, au premier rang, la santé et la lutte contre le réchauffement climatique.”

Guillaume Farny : “Ma priorité sera de renforcer et de développer le réseau du Pôle, un capital humain unique qui est notre plus grande force. Nous mettons progressivement en place une nouvelle offre de services avec l’objectif de répondre aux besoins d’expertise technique de nos adhérents. Le tout dans une démarche de subsidiarité avec nos partenaires ligériens et bretons. Faire vivre notre Alliance avec le Pôle TES, devenir une place forte européenne à travers nos futurs hubs digitaux européens (les EDIH), et déjà préparer la prochaine phase V des Pôles de compétitivité vont rythmer cette fin d’année 2021.”

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