Technoférence #31 : Maîtriser la lumière, c’est maîtriser l’avenir

Publié le 05/12/2019

Benoit-Cadier-Ixblue

Mesurer la distance terre lune, mais aussi soigner un glaucome… Prévenir une catastrophe sismique, mais aussi détecter des cellules cancéreuses… Tout comme l’a fait l’électronique, la photonique est en passe de coloniser l’ensemble de notre quotidien. Cette Technoférence #31 était exemplaire de la diversité de ses usages. Focalisée sur les capteurs et systèmes de mesure, on y a parlé d’activité sismique, de navigation, de véhicules autonomes, d’alimentation, de médical… Et même de l’odeur des cochons !

C’est une nouveauté de la feuille de route Images & Réseaux + TES pour la phase IV (2019-2022) : les deux pôles de compétitivité, dont la fusion effective doit intervenir courant 2020, ont choisi de faire de la photonique l’un des six domaines technologiques d’excellence des régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. Ceci grâce à un partenariat stratégique avec le cluster Photonics Bretagne, le “Hub d’innovation en photonique”, qui est parmi les principaux animateurs de la filière photonique française.

Cette filière est particulièrement active et prometteuse comme le démontrera cette Technoférence dédiée aux capteurs et systèmes de mesure qui utilisent les sciences et technologies de la lumière. La 31éme édition du 3 décembre se tenait naturellement à Lannion : là où la filière photonique bretonne s’est d’abord développée autour des télécommunications optiques, et là où elle s’est largement diversifiée à partir des années 2000 pour former un tissu industriel de renommée internationale. La matinée d’échanges était organisée par Images & Réseaux + TES en partenariat avec Photonics Bretagne. Avec aussi le concours de l’IUT Lannion qui hébergeait l’événement, relayé en visioconférence vers Brest, Caen, Lorient, Nantes et Rennes.

Après l’ère de l’électron, place à l’ère du photon

Le 20ème siècle était celui de l’avènement de la microélectronique, le 21 siècle sera celui de la photonique. Tel était, en résumé, le sens de l’intervention d’Alain Chardon, de Photonics Bretagne, qui se chargeait de balayer le paysage de la photonique en introduction. Celle-ci est déjà présente, notamment sous forme de laser, dans de nombreux secteurs de pointe : la transmission des informations par fibre optique, l’usinage de précision des matériaux, la mesure des distances, la chirurgie. Par exemple : “C’est un laser qui permet de percer un petit trou dans l’œil pour soigner un glaucome”. Elle est également là, tout près de nous, dans notre quotidien. Ainsi, un smartphone de dernière génération avec ses lasers, caméras, écrans OLED et voyants à LED est un “concentré de technologies photoniques”.

Alain Chardon, Photonics Bretagne

Et demain ? “La photonique sera omniprésente” car “de nouveaux usages se développent chaque jour”. Elle sera une technologie clé des challenges du futur selon l’intervenant : AgriTech, AgroTech, MedTech, BioTech, mobilité, environnement, spatial, industrie 4.0… Et donc du pain béni pour les champions locaux du secteur : Lumibird, Oxxius, Kerdry, Cailabs, Diafir, Ixblue, Evosens, Idil, Cristalens… La zone de Lannion a enregistré en 10 ans une hausse de +230 % des emplois liés à la photonique. Plus largement, en 2020, le marché global est estimé à 615 milliards d’euros, dont l’Europe avec ses produits “à forte valeur ajoutée” détient une part de 15,5%. Au premier rang, l’Allemagne, tandis que “la France a de vrais atouts”. La production manufacturière hexagonale approche les 15 milliards d’euros.

À propos du sujet du jour, l’utilisation de la lumière pour capter et mesurer l’environnement, Alain Chardon dresse une liste d’avantages. Les technologies photoniques sont rapides, précises, flexibles, fiables, tout en permettant des mesures temps réel, non destructives et sans contact.

Un œil ultrasensible sur l’activité sismique, un autre sur les déplacements

Après ce tour d’horizon, un premier exemple d’application à l’environnement avec la surveillance des fonds sous-marins par fibre optique. L’objectif : “observer l’activité sismique” explique Lionel Quetel, d’Idil Fibres Optiques. En particulier au large de Catane, en Sicile, où une faille se déplace de quelques millimètres par an. Dans un premier temps, un câble spécifique permettra de surveiller l’évolution de la faille par la détection de ses déformations. Mais l’idée, au-delà de cette preuve de concept, est d’utiliser les câbles de télécommunication existants pour effectuer la surveillance. Restera à contourner un point bloquant : “Obtenir l’autorisation du fait de la protection des données.”

Les fibres et composants optiques servent aussi d’instruments de navigation en mer. “Naviguer, c’est savoir où on est et savoir où on va” résume Benoit Cadier d’Ixblue. Par exemple, grâce au gyroscope à fibre optique : deux rayons de lumière parcourent une fibre dans des directions opposées, le léger déphasage enregistré à l’intersection des rayons permet de calculer le sens et la vitesse de rotation. En matière de navigation, il reste beaucoup à faire : notamment développer des lidars plus performants et “Voir sous l’eau : on a besoin de lidars sous-marins.”

Sébastien Grot, Sensup

Les véhicules autonomes sont un autre grand sujet du moment en matière de lidars, comme l’indique Sébastien Grot de Sensup, filiale de Lumibird. Par exemple, les lidars Time of Flight (ToF) mesurent très précisément la distance qui sépare le véhicule d’un objet. Pour couvrir toutes les conditions de météo et de circulation, les véhicules autonomes sont équipés d’un ensemble de capteurs complémentaires. Les lidars permettent de détecter des formes à plusieurs centaines de mètres et de reconstituer l’espace devant le véhicule par un nuage de points très serrés.

La lumière pour détecter la mauvaise odeur du cochon

Plus surprenant, Samuel Poulain dirigeant du spécialiste des solutions infrarouges Le Verre Fluoré, explique comment la spectrocopie par réflexion pourrait offrir une solution pour identifier les 10% de verrats dont l’odeur est si forte qu’ils sont difficilement consommables. L’idée, pour l’instant en cours de développement, est d’utiliser la lumière pour identifier les molécules caractéristiques responsables de la mauvaise odeur par réflexion sur des peaux de porc. La piste explorée vise à générer “une source supercontinue” pour recueillir plus d’informations et au final “discriminer les bons des mauvais cochons”.

Par ailleurs, les technologies optiques sont de plus en plus utilisées dans le domaine de l’alimentation humaine et de la nutrition animale. Notamment la spectroscopie dans l’infrarouge proche (NIR), utilisée pour analyser à la volée différents produits. Jean-Marc Goujon, de l’ENSSAT-FOTON, commence par faire le point sur les techniques utilisées. Puis Guillaume Mairesse, de Valorex, détaille quelques applications. Pour la nutrition animale : “Contrôler les matières premières que l’on reçoit pour formuler au plus juste les aliments.” Autre exemple pour des producteurs de pommes : “Déclencher la récolte au meilleur moment.”

Guillaume Mairesse, Valorex, et Jean-Marc Goujou, ENSSAT-FOTON

Anticiper la Cirrhose du foie, identifier des cellules cancéreuses

Passons à la spectroscopie dans le moyen infrarouge (MIR) avec Hughes Tariel de Diafir. L’entreprise rennaise développe des solutions de diagnostic médical “non invasives, faciles à mettre en œuvre, rapides et fiables”. Elles partent du principe que les fluides en contact avec une zone infectée sont modifiés par l’infection. D’où l’intérêt d’établir “un profil métabolique” à partir d’un simple prélèvement de fluide. Pour diagnostiquer la NASH, ou maladie du foie gras liée à la suralimentation, il fallait jusqu’à présent réaliser une biopsie du foie, opération lourde et risquée. Grâce à la spectroscopie, la maladie peut être maintenant diagnostiquée sans risque pour le patient. Ce même principe peut s’appliquer aux infections articulaires par exemple.

Dans le même esprit, le projet UV4LIFE emmené par Oxxius, cherche à simplifier et accélérer la détection et l’identification de bactéries et cellules cancéreuses. Il s’agit cette fois, précise le dirigeant, Thierry Georges, de “spectroscopie Raman”. Elle consiste à envoyer une lumière monochromatique sur l’échantillon et à analyser la lumière diffusée pour caractériser le milieu. Le projet vise à développer des sources laser dans l’UV proche, puis évaluer l’intérêt de ces sources sur des cellules et bactéries. Si l’intérêt se confirme, la solution sera rapide, sensible et sélective. Son objectif ultime est de permettre de “réagir sur le bloc opératoire”, notamment dans le cas de la chirurgie du cancer.

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