Thierry Georges, d’Oxxius : “La photonique sera partout”

Publié le 15/11/2019

Oxxius-Lasers

Il aura fallu une dizaine d’années à Oxxius pour trouver son positionnement. Aujourd’hui ses lasers ultracompacts équipent une variété d’instruments sophistiqués dans l’industrie chimique, la santé, l’agroalimentaire, la recherche… Entretien avec son CEO, Thierry Georges, pour qui la belle histoire d’Oxxius et celle de la filière photonique n’en sont qu’à leurs débuts. Il sera l’un des intervenants de la Technoférence #31 consacrée à la photonique le 3 décembre à Lannion.

Vous avez créé Oxxius en 2002. Dix-sept ans plus tard, la société est en forte croissance. Quelles ont été les étapes vers la réussite d’aujourd’hui ?

Thierry Georges. Nous avons démarré en 2002 sur une idée qui était de développer des lasers à solides pour remplacer les lasers à gaz très utilisés dans l’instrumentation optique. Ceux-ci sont encombrants, à durée de vie limitée et ils consomment beaucoup d’énergie. Nous voulions mettre au point une technologie de lasers à cristaux plus efficace, plus durable, plus compacte, et qui permette la portabilité. Là-dessus sont arrivées de nouvelles diodes qui ont bousculé notre modèle. Finalement, c’est en 2010 qu’on a compris quel devait être notre positionnement : peu importe la technologie utilisée, nos lasers se présentent sous la forme d’un package unique, monolithique et très compact. Qu’il s’agisse d’une diode laser ou d’une cavité à cristaux, tous ces modules se ressemblent. Pour le client, seules comptent la couleur et la puissance voulues.

En parallèle, nous avons abandonné la sous-traitance de la fabrication. Nos lasers étaient trop sensibles aux chocs mécaniques et thermiques. Nous avons travaillé en collaboration avec des chimistes, jusqu’à mettre au point notre propre technologie de fabrication. C’était en 2012. À partir de là, nous avons pu proposer une gamme de lasers robustes, compacts, qui ne chauffent pas donc très stables. Après, le cycle de commercialisation reste très long… Il faut 5 ou 6 ans entre un test initial chez un client et des premières commandes en volume. Nous sommes entrés dans la partie intéressante de ce cycle, où nous gagnons client après client. Pour la première fois cette année, nous aurons fabriqué plus de 1000 lasers. Nous doublons nos chiffres de production tous les deux ans. Oxxius réalise actuellement 6 millions d’euros, contre 1,5 il y a seulement quatre ans.

Vos lasers sont destinés à des applications de biotechnologie ou de métrologie. Pouvez-vous en dire plus ?

Thierry Georges. Nos clients sont des fabricants d’instruments d’analyse ou de mesure qui fonctionnent à base de lasers. On nous achète des modules lasers ou, de plus en plus, des sous-systèmes optiques complets faciles à intégrer dans un appareil. Dans les biotechs, les lasers servent à analyser différents objets biologiques. Par exemple quand vous faites une analyse de sang, le laboratoire d’analyses médicales se sert d’un cytomètre en flux à base de lasers. De la même façon, un microscope à super-résolution qui permet de voir en détail l’intérieur d’une cellule fonctionne aussi grâce à des lasers.

L’autre grand domaine d’application est la spectrométrie Raman. C’est une technique qui permet de réaliser une analyse chimique à distance, sans destruction de la matière. Elle est de plus en plus utilisée : dans les labos pharmaceutiques, dans l’industrie du pétrole, ou pour analyser une œuvre d’art par exemple. Dans l’agroalimentaire aussi, où on peut analyser un aliment sans le dégrader.

Le projet collaboratif UV4LIFE débute en ce moment*. Auparavant, il y avait eu DEEPBLUE. Quel est le rôle de la R&D collaborative dans votre stratégie de développement ?

Thierry Georges. Les projets collaboratifs ont pour nous deux intérêts. Ils servent bien-sûr à financer une partie de notre recherche amont. Mais surtout, ils nous permettent d’explorer de nouvelles applications de nos lasers. DEEPBLUE a démontré qu’on pouvait rechercher de très petits objets in-situ et en temps réel, comme des particules de nano-plastiques dans l’eau de mer. UV4LIFE ira plus loin en permettant, dans le domaine médical, de raccourcir les délais de détection de bactéries ou de cellules cancéreuses.

L’idée est d’accéder à de plus grands marchés grâce à des lasers plus puissants et plus bas en longueur d’onde vers l’ultra-violet. UV4LIFE est un premier pas dans ces deux directions.

De façon générale, le monde de la photonique se porte bien à Lannion et en Bretagne. Cailabs, par exemple, vient de lever 8 millions d’euros supplémentaires. Comment voyez-vous l’avenir de la filière ?

Thierry Georges. J’ai toujours cru dans la photonique, même après l’éclatement de la bulle télécom. Pourquoi, j’y croyais ? Parce que tout ce qui avait été développé pour les télécoms allait pouvoir s’appliquer à d’autres domaines. Les technologies optiques sont une richesse, c’est la micro-électronique du 21ème siècle. Et on n’est qu’au début de l’aventure. La photonique est déjà transversale à beaucoup de domaines, je vous garantis que dans 20 ou 30 ans elle sera partout.

En France, nous sommes potentiellement bien armés. Ici, à Lannion, les différentes sociétés grossissent jusqu’à atteindre 50, 100, 300 personnes. Mais tout ça reste de l’ordre de l’ETI, nous restons fragiles car relativement petits. Il existe une telle diversité d’applications que, finalement, nous sommes peu en concurrence. Le personnel bouge d’une entreprise à l’autre, ce qui est bien parce que ça diffuse les bonnes pratiques. Aujourd’hui, nous travaillons ensemble pour former plus d’opérateurs.

* Le projet UV4Life est porté par Oxxius en partenariat avec Ixblue, L’institut Foton (Université de Rennes 1) et l’INSERM-NUMECAN (35). Il est financé par la Région Bretagne dans le cadre du FEDER 2019 “Innovation collaborative au croisement de filières”.

www.oxxius.com

www.photonics-bretagne.com

Oxxius est membre Images & Réseaux

Membre Images & Réseaux

Pour aller plus loin