Publié le 29/08/2019
Côté techno, elle est experte en analyse d’images par le Deep Learning. Côté sensibilité, ce sont les préoccupations environnementales qui la font vibrer. La startup Wipsea a fait ses armes auprès de scientifiques en automatisant le comptage d’espèces animales en danger. Aujourd’hui ses logiciels s’appliquent aussi à la préservation de la biodiversité dans des contextes industriels, tels que l’éolien en mer.
Dès 2010, alors ingénieur spécialisé en logiciel de compression vidéo temps réel, Gwénaël Duclos avait compris que l’analyse automatique d’images allait devenir un enjeu pour la gestion des parcs naturels et les études d’impact écologique : “Avec la multiplication des pièges photos et l’arrivée des drones, on accumulait beaucoup d’images mais on disposait de peu de temps pour les analyser.” L’essor du Deep Learning (apprentissage profond) avec ses capacités à détecter et reconnaitre des objets pour trier et classer les images s’imposait comme étant la voie à explorer. C’est dans ce contexte qu’il crée la société Wipsea en 2013 à Rennes.
L’idée première est d’outiller les scientifiques chargés d’observer les populations animales en danger. Par exemple recenser les tortues marines présentes dans le Parc Naturel Marin de Mayotte. Auparavant il fallait embarquer deux à quatre observateurs experts et sillonner la mer en avion. Aujourd’hui, une campagne de prises de vue depuis un drone suffit, tandis que le logiciel SemmaDrone* fait le reste. Grâce à ses algorithmes de Deep Learning et un apprentissage permettant de reconnaitre les tortues dans une vue aérienne, le logiciel traite automatiquement “les milliers de photos produites” et actualise la carte de distribution des espèces visées dans des délais raccourcis.
La solution et ses déclinaisons à d’autres espèces sont destinées à réaliser des études d’impact, mesurer l’efficacité des mesures de protection, surveiller l’évolution d’une population donnée : “Nous avons récemment gagné un appel d’offres de cartographie des dugongs en Nouvelle-Calédonie. Ce type de prestation nous donne la possibilité d’amortir nos développements logiciels tout en améliorant leurs performances. Une des finalités est de proposer nos solutions à un prix qui permettra à de petites structures d’accéder à ces technologies.”
L’automatisation des process d’étude proposée par Wipsea améliore considérablement le rapport coût/efficacité des campagnes de mesure. Ce qui ouvre la voie à un suivi en continu des éventuelles conséquences écologiques d’une activité industrielle. C’est le sens du projet SEMMACAPE* qui vise à étudier l’impact des parcs éoliens en mer en développant une méthode de caractérisation automatique de la mégafaune marine dans la durée. “La hauteur des éoliennes en mer empêche les survols à basse altitude pour les observations directes depuis un avion. La seule solution, c’est de voler plus haut et de réaliser des captations haute résolution que l’on traite ensuite avec nos logiciels.”
Les quatre partenaires du projet – UBS-IRISA, France Energies Marines, l’Agence française pour la biodiversité et Wipsea – devront résoudre des problèmes multiples. Notamment reconnaitre les espèces en vol et en mer dans des photos ou vidéos “à partir de quelques pixels”. Et puis “s’adapter à la turbidité de l’eau, le vent, les vagues” qui sont les conditions habituelles en Manche et dans l’Atlantique.
La technologie d’analyse d’images et de reconnaissance des espèces codéveloppée avec l’UBS-IRISA sera par ailleurs utilisée dans un projet – porté par l’Ifremer avec la société Marport – de chalut intelligent capable de relâcher les prises indésirables. Pour Gwenaël Duclos, pas question de dévier du cap environnemental : “Nous restons focalisés sur l’écologie. Nous sommes sans doute très peu dans le monde à suivre ce chemin… La dimension éthique est très forte. Nous cherchons maintenant à réduire l’empreinte sur l’environnement des technologies Deep Learning que nous utilisons.”
(*) SEMMACAPE est un projet collaboratif cofinancé par l’Ademe, labellisé des pôles Mer Bretagne Atlantique, Mer Méditerranée et Images & Réseaux.
(*) Le logiciel SemmaDrone est issu d’une collaboration de Wipsea avec Actimar, le CEDTM/Kélonia et l’Agence française pour la biodiversité.
Crédit photo : Amanda Hodgson
Wipsea est membre du pôle de compétitivité Images & Réseaux